Quatre-vingt-unième numéro de Chemins d’histoire, trente-neuvième numéro de la deuxième saison
Émission diffusée le samedi 17 juillet 2021
Le thème : Une réflexion sur les sources et sur leur application en histoire
L’invité : Frédéric Duval, professeur de philologie romane à l’Ecole nationale des chartes, directeur scientifique du volume En quête de sources. Dictionnaire critique, Ecole des chartes, 2021.
Le canevas de l’émission
Un volume collectif qui célèbre à sa manière le bicentenaire de l’École nationale des chartes (fondée en 1821 et dont on a présenté l’histoire dans l’épisode 54 de nos Chemins d’histoire, en décembre 2020). 79 auteurs, 33 femmes. Parmi les auteurs, 71 archivistes paléographes. Un ouvrage piloté par le Centre Jean-Mabillon, le laboratoire de l’Ecole des chartes. Dans ce livre se dégage « le portrait d’un être collectif contradictoire, le chartiste, campé en sourcier »… mais l’ouvrage se veut plus largement « un instantané des questions que peut se poser en 2021 une communauté de conservation et de recherche sur les sources du passé ».
Le point de départ de l’ouvrage : un paradoxe autour de la notion de sources, « aussi centrale que fuyante ». Un substantif qui verbalise un concept labile. Incertitudes et instabilités terminologiques et conceptuelles (on parle de sources, de documents, de témoignages, de preuves…). L’histoire même du mot de sources et de son usage par les historiens est assez mal connue ! L’usage du mot « source » appliqué à l’histoire remonterait à la fin du XVIIe siècle, au temps de l’invention de la diplomatique (voir le dictionnaire de Furetière, le Dictionnaire de l’Académie). Le terme est associé à l’origine et à l’authenticité. Sens et usages superposés par la suite. Par exemple, Droysen (1868) distingue les Quellen des Denkmäler (monuments) et des vestiges (Überreste). Sources longtemps associées aux « sources narratives ». Le substantif et l’idée d’évidence aquatique ont paru fallacieux auprès de nombreux auteurs revendiquant une histoire-problème (exemple de Marc Bloch). Certains ont même tenté de substituer au terme de « sources » ceux de « témoignages » et de « documents ». Mais le retour au mot « sources » s’est imposé. Le concept est pourtant polysémique. On utilise finalement un même terme pour désigner la source-matériau, la source-trace et la source que s’est approprié l’historien. C’est à l’origine de beaucoup de confusions.



L’article « Source » dans le Dictionnaire de l’Académie française, éditions de 1694 et de 1798
Des traces aux sources, le cheminement est complexe. L’historien n’est jamais confronté à des traces brutes. Les traces sont déjà élaborées en amont de l’historien, par exemple par des institutions de conservation. La transformation de la trace en source est un processus collectif auquel participent archivistes (rôle dans la conservation, dans le classement, etc.), érudits et historiens. Dans ce processus, le questionnement de l’historien compte beaucoup. Un ouvrage qui plaide pour l’abandon de schémas unidirectionnels allant de la source à l’histoire ou du problème à la source. L’histoire se fait par des allers-retours entre des traces et un problème. La quête de sources est indissociable de la quête des questions à poser à ces mêmes sources.
Les directions prises par l’ouvrage. Une réflexion sur la mutation des sources et des manières de les exploiter et de les enseigner depuis le XIXe siècle. Le dictionnaire intègre la prise en compte de traces d’un nouveau type lié aux mutations techniques et scientifiques (enregistrement sonore, photographie, cinéma, livre numérique…) mais aussi des traces longtemps négligées ou interrogées de manière partielle par l’historiographie. Le dictionnaire pose aussi la question de la reproduction des sources et de l’apparition de nouveaux instruments d’exploration et d’exploitation. Il y a bien une révolution de l’accès (du microfilmage à la numérisation) qui se prolonge en révolution de l’analyse. Les outils et les méthodes critiques sont enseignés… notamment à l’Ecole des chartes, dans des formes parfois non consolidées (diplomatique, sigillographie, numismatique, héraldique, codicologie ; objets plus récents ont pu voir se développer des approches spécifiques sans pour autant voir émerger le nom d’une nouvelle discipline). Un dictionnaire (132 entrées) qui va de « Accès ouvert / accès fermé », un article qui doit être lu à l’aune des restrictions récentes, à l’article « Vérité ». Exemple des trois articles rédigés par Frédéric Duval (« dialectologie », « ecdotique » et « philologie »).
Les entrées et les auteurs du Dictionnaire

