Quatre-vingt-sixième numéro de Chemins d’histoire, cinquième numéro de la troisième saison
Émission diffusée le dimanche 26 septembre 2021
L’invitée : Elisabeth Crouzet-Pavan, professeure émérite en histoire médiévale à Sorbonne-Université, autrice de Venise, VIe-XXIe siècles, Belin, 2021.
Le thème : Une histoire de Venise depuis le VIe siècle
Le canevas de l’émission
Le projet. Une nouvelle histoire de Venise, des origines à nos jours. « Les histoires de Venise ne manquent pas » pourtant. Le discours historique sur Venise s’est développé à partir des débuts de l’époque moderne. Quelques temps forts (Histoire de la République de Venise de Pierre Daru, 1ère édition en 1819 ; la montée en puissance des historiographies non italiennes, montée en puissance progressive, jusqu’au renouveau de la fin du XXe siècle). Un livre qui constitue une mise au point historiographique ? Quelle histoire de Venise ? Les défis du passé vénitien. Une pluralité d’objets. De l’ambiguïté du terme (Venise / Venises, entre la lagune et la Terre Ferme, au-delà de la lagune). Une chronologie dilatée pour une histoire totale ? Un livre qui poursuit le trajet d’une historienne de Venise (depuis la thèse d’État, 1989, et à travers de nombreux ouvrages) et de l’Italie. Un livre qui rappelle régulièrement « la richesse formidable des archives vénitiennes » fréquentées par l’autrice (p. 642). Un livre qui est le fruit « d’une histoire personnelle et d’une familiarité construite depuis des décennies avec Venise » (p. 18). Une « expérience d’histoire ». L’organisation de l’ouvrage (« Vies successives », « Atelier de l’historienne »). Un livre qui est aussi un parcours iconographique et cartographique (cartes signées Aurélie Boissière).
Quelques points saillants (1). Retour sur la naissance de Venise, entre eaux salées et terres humides. Quand l’histoire commence-t-elle ? Objet d’un travail commencé dès le Moyen Age. Différentes versions composent un mythe d’origine. Au XIVe siècle, l’histoire de Venise écrite par le doge Andrea Dandolo date la fondation de Venise du 25 mars 421. Que dit cette version ? Détricoter l’histoire. Ce que dit l’archéologie (les lagunes ne sont pas le désert du mythe). Les îles comme refuge au VIe siècle. Les premières communautés lagunaires. Structurations politiques et administratives. Les liens avec Byzance et la sujétion à l’empire romain d’Orient masqués dans les chroniques disponibles, qui insistent sur l’élection du premier doge ou duc indépendant entre 713 et 715, Paulicius. Quelques données archéologiques (exemple de Torcello). Une croissance commencée au début du IXe siècle (810-811, le siège du duché est établi sur des îlots moins proches de la mer, ceux de Rialto-Venise). Fondation du palais ducal et de la basilique. Le pôle politique et religieux exerce son attraction et la cité tend à se bâtir « dans cette boucle du Grand Canal, entre San Marco et Rialto » (p. 45). Premiers horizons marins à la fin du premier millénaire ? Le rôle de Torcello.
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Quelques points saillants (2). La dynamique marchande (et pas seulement) vénitienne : quelques jalons (attention à la téléologie !). Les emballements du XIIe siècle (la ville s’assure le contrôle de l’Adriatique au nord d’une ligne joignant Ancône à Raguse). Venise « commerce et combat » bientôt « comme une puissance impérialiste » (p. 70). La mise à sac de Constantinople, en 1204, dans le cadre de la quatrième croisade, marque une rupture majeure dans l’histoire de l’Empire byzantin. Quelle responsabilité de Venise ? Quels effets pour Venise ? Venise en 1300, quelle population (entre 110 000 et 130 000 habitants, dans une Italie de 12 à 13 millions d’habitants) ? Portrait géographique (premier plan, p. 95). Une ville, des hommes, des marchands, des circulations à la fin du Moyen Age (voir les cartes, p. 105 et 152-153). Quelles marchandises du Levant au Ponant, de la Syrie aux Flandres, de Beyrouth à Bruges ou à Séville ? La flotte comme instrument de la puissance. Le poids des élites marchandes, l’industrie placée en position seconde.
Quelques points saillants (3). Venise au début du XVIe siècle, entre terre et mer (commentaire du lion de saint Marc, peint par Carpaccio en 1516, p. 195). Le XVIe siècle, le temps du déclin est-il venu ? A largement relativiser. Sur mer, les galéasses de la République sont redoutables. Les mouvements de bateaux atteignent un pic. Succès de la laine ou bond des productions agricoles en Terre Ferme. Rayonnement culturel (Titien, Tintoret, Véronèse et les autres). Le retrait n’intervient que plus tard (surtout au XVIIIe siècle, au temps d’une République aristocratique, quand le jeu des institutions s’enraye, p. 307). Tristesse de Venise malgré le carnaval et les fêtes (p. 345).
Quelques points saillants (4). À l’époque contemporaine. La fin de la République et la domination étrangère, de 1797 à 1866 (Autriche, France, Autriche). Venise en Italie. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, Venise vue par le photographe Carlo Naya (1816-1882, voir photographies, p. 405 et 407). Venise devient une plage. Dans les tourments du premier XXe siècle. Après 1945. Les vies parallèles de Venise (la Venise insulaire, la Venise de la Terre Ferme, Marghera et Mestre). À l’heure de la submersion touristique et des grands bateaux de croisière. Les visages de Venise aujourd’hui (la Biennale, la Mostra, les palais, etc.). La Venise d’Élisabeth Crouzet-Pavan.
