Emission 79 : Simone Veil en ses archives, avec Constance de Gaulmyn

Soixante-dix-neuvième numéro de Chemins d’histoire, trente-septième numéro de la deuxième saison

Émission diffusée le lundi 28 juin 2021

Le thème :  Simone Veil en ses archives

L’invitée : Constance de Gaulmyn, conservateur du patrimoine aux Archives nationales, cocommissaire (avec Olivier Rozenberg) d’une exposition consacrée à Simone Veil et présentée à la mairie de Paris (printemps-été 2021), coautrice (avec le même) du catalogue paru sous le titre « Nous vous aimons, Madame ». Simone Veil, 1927-2017, Flammarion, 2021.

Le canevas de l’émission

Retour sur l’avant-titre de l’exposition et du livre qui l’accompagne, un extrait du discours de réception de Simone Veil à l’Académie française, en 2010 : « Je baisse la voix, on pourrait nous entendre : comme l’immense majorité des Français, nous vous aimons, Madame ». Une phrase qui dit le respect pour une femme déportée à Auschwitz à 16 ans, en 1944, magistrate, ministre de la Santé et des affaires sociales entre 1974 et 1979 puis entre 1993 et 1995, présidente du parlement européen de 1979 à 1982, membre du Conseil constitutionnel de 1998 à 2007, première présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah entre 2001 et 2007. Une phrase qui dit aussi l’hostilité d’une minorité de Français (anti-avortement, contre celle qui a porté la loi sur l’IVG, promulguée au début de 1975 ; antisémites aussi et auxquels elle a répondu parfois avec force, ainsi le 7 juin 1979, elle dit à Jean-Marie Le Pen et à des militants du Front national venus interrompre son meeting, « Vous ne me faites pas peur, pas peur du tour. J’ai survécu à pire que vous. Vous n’êtes que des SS au petit pied ! », p. 141). Un amour des Français qui puise à trois sources, dit Olivier Rozenberg : un « féminisme tranquille » (la cause des femmes) ; une manière différente d’être une femme politique (la politique autrement) ; la résilience de la déportée (la mémoire de la Shoah).

Une plongée dans les archives. Une production d’archives abondante ! Le gisement le plus important : le fonds Simone Veil. Don du vivant et après la mort de Simone Veil. Retour sur l’histoire (2012-2018, plusieurs versements) de la donation de ce fonds (688 AP, 81 mètres linéaires, communication sur autorisation). D’où viennent ces documents ? Domicile, secrétariat particulier. Que contient ce fonds ? Que dit-il du rapport de Simone Veil à l’écrit et de sa manière d’archiver la documentation ? Des documents qu’on croyait perdus et que l’archiviste a retrouvés (discours pour introduire le projet de loi sur l’IVG, prononcé le 26 novembre 1974, et le brouillon manuscrit, p. 122-123). Autour de la boulimie de prise de notes. Autres gisements d’archives : multiples et divers (aux Archives nationales, le fonds Antoine Veil, le fonds Denise et Alain Vernay, par exemple aussi en ce qui concerne ses activités de magistrate, etc. ; au Mémorial de la Shoah, le fonds Jacob ; aux Archives communales de Nice ou aux Archives départementales des Alpes-Maritimes ; aux Archives du parlement européen, etc.). Types de documents : textes, photographies (un grand nombre de photographies inédites et de portraits de Simone Veil dans ce catalogue). Tout n’est pas encore accessible.

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Parcours dans la vie de Simone Veil, à partir de quelques documents. Premier document : magnifique portrait d’Yvonne Steinmetz (née en 1900, doc. p. 38). Le mariage (1922) avec André Jacob, les enfants Jacob, Simone, la petite dernière, la vie à Nice (famille installée à Nice à partir de 1925, deux ans avant la naissance de Simone), une famille juive non pratiquante.

Deuxième document : une lettre datée du 2 avril 1944 et signée Yvonne Jacob, adressée au docteur Philippe Guberteau, depuis l’Hôtel Excelsior (p. 56). Simone a été arrêtée le 30 mars 1944. Quelques heures plus tard, sa mère, sa sœur Madeleine dite Milou et son frère Jean sont arrêtés. André, le père, sera arrêté plus tard. Retour sur le contexte (à Nice, en zone libre, puis sous occupation italienne entre novembre 1942 et septembre 1943, sous la férule allemande plus tard, Simone « Jacquier » est arrêtée le lendemain de son bac). Un temps détenue à l’Hôtel Excelsior, Yvonne sollicite l’aide du docteur Guiberteau, elle ignore les périls qui vont surgir (demande des couvertures, des vêtements mais aussi « une Bible, les fables de La Fontaine, 2 tomes de Molière, du Racine, Pascal et quelques autres livres »). Drancy puis Auschwitz-Birkenau (convoi n° 71, arrivée le 15 avril 1944, trois mois plus tard au cap de Bobrek, dans l’usine Siemens, avec sa mère Yvonne et sa sœur Milou). Marches de la mort puis long périple jusqu’à Bergen-Belsen (carte p. 68-669). Sa mère meurt à Bergen-Belsen du typhus. Libérée à Bergen-Belsen. Simone écrit une lettre émouvante (troisième document, p. 67) depuis le camp de Bergen-Belsen à sa famille qui n’est pas partie en déportation avec elle (28 avril 1945) sans savoir que son père, André, et son frère Jean ont été assassinés en Lituanie ou en Estonie (convoi 73) et que sa sœur aînée, Denise, a été déportée à Ravensbrück (puis à Mauthausen) pour faits de résistance, vient d’être libérée. Quelle mémoire de la Shoah ? Revient à Bergen-Belsen vers 1950, à Auschwitz en 1960. Demande réparation, notamment auprès de Siemens (1952). Un témoignage devenu plus visible ou plus entendu (en 1949, lors d’une réception au consulat de France, à Mayence, un haut-fonctionnaire demande à Simone Veil, en voyant un numéro tatoué sur son bras, si c’est son « numéro de vestiaire », p. 179) à partir des années 1970 (voir par exemple le témoignage livré à Tf1, en 1976, au coin du feu). Amplification par la suite et jusqu’à la fin de sa vie (voir un entretien passionnant à Annette Wieviorka, en 1990, p. 174 et suivantes, où Simone Veil distingue déportés pour faits de résistance et déportés juifs ; elle emmène ses enfants et petits-enfants à Auschwitz en décembre 2004, inaugure le Mémorial de la Shoah, en janvier 2005, p. 166-167).

Études en droit et à Sciences Po. Fondation d’une famille (mariage avec Antoine Veil, en 1946, trois enfants, Jean, né en 1946, Claude-Nicolas, 1948-2002, Pierre-François, né en 1954), la mort accidentelle de Milou et du fils de cette dernière, en 1952). Aux côtés d’Antoine, en Allemagne. Vie de magistrate, à partir de 1954 (attachée stagiaire au parquet de Paris), reçue au concours de magistrat en 1956. Nommée à la direction de l’administration pénitentiaire (rapport sur les établissements pénitentiaires en Algérie, demande le transfert de prisonnières algériennes en métropole). En 1963, elle est mutée à la direction des affaires civiles et du sceau (participe à la rédaction de la loi sur l’adoption qui voit le jour en 1966). En 1970, elle est secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature. Quatrième document : questionnaire d’enquête sur sa vie de magistrate (voir p. 100-101).

Ministre, avec de nombreuses réalisations (facilitation de la contraception, dépénalisation de l’avortement, débat parlementaire de 1974, lors duquel Simone Veil n’a pas pleuré, mais aussi lutte contre le tabac et l’alcool, chartes du patient hospitalisé, documents p. 135, cinquième document). Présidente du parlement européen, sixième document (p. 153) : affiche de campagne pour les élections européennes, printemps 1984 (43 % des suffrages pour une liste UDF-RPR, 41 sièges sur les 81 dévolus à la France).

Une icône… au Panthéon.

Lors de la campagne des élections européennes de 1979

Une banque de ressources proposée par les Archives nationales

Voir cette page, avec les liens notamment vers les inventaires de divers fonds d’archives (ministériels ou personnels).

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