Emission 74 : Marcel Detienne, un parcours, une pensée, avec Vincent Genin

Soixante-quatorzième numéro de Chemins d’histoire, trente-deuxième numéro de la deuxième saison

Émission diffusée le dimanche 9 mai 2021

Le thème : Marcel Detienne (1935-2019), un parcours, une pensée

L’invité : Vincent Genin, postdoctorant à l’Ecole pratique des hautes études, auteur de Avec Marcel Detienne, Labor et Fides, 2021.

Le canevas de l’émission

De quoi ce livre est-il le nom ? « Il ne s’agit pas d’une biographie scientifique » de Marcel Detienne. L’auteur n’est ni philologue, ni helléniste, ni anthropologue de la Grèce. Un livre pour accompagner la pensée et l’itinéraire de Marcel Detienne. Un livre qui est aussi le récit d’une « attraction » pour un homme dont Vincent Genin a entendu le nom pour la première fois au début de 2017. Un livre qui est aussi une série de rencontres, avec Marcel Detienne (été 2018, le Marcel Detienne de la fin de vie, sans doute mordant et ironique, qui contraste peut-être avec le Marcel Detienne du début des années 1970, lequel irradie sur la première de couverture du livre, sur les Propylées) et avec ceux et celles qui l’ont accompagné. Un livre qui est une plongée dans les textes, les ouvrages et les articles de Marcel Detienne. Un ouvrage qui livre aussi quelques aspects d’un continent, celui de la correspondance de Detienne (voir les lettres transcrites et reproduites en fin d’ouvrage). Un livre qui participe de cette « histoire émotionnelle du savoir » promue par Françoise Waquet. Un livre où sont intriqués un parcours intellectuel, un itinéraire académique avec son lot de joies et de déceptions, mais aussi des éléments de la vie personnelle : le personnage de « Giulia », omniprésent dans le livre, toujours donné sans patronyme, il s’agit de Giulia Sissa, historienne, helléniste, philosophe, aujourd’hui professeure à l’Université de Californie, à Los Angeles, la seconde épouse de Marcel Detienne, de 19 ans sa cadette, rencontrée en 1977 à Pavie. L’un des nœuds de l’ouvrage : la rencontre avec Giulia, le divorce d’avec sa première épouse, la séparation pendant plusieurs années de ses enfants (Jean-Philippe, Isabelle, Olivier), tout cela coïncidant avec un éloignement du maître Jean-Pierre Vernant, Jipé, des tensions avec Pierre Vidal-Naquet. Lecture, p. 103-104. Un livre à l’écriture singulière et personnelle (« Marcel », « Marco »), qui fonctionne par vagues (avec des flux et des reflux). À la recherche de voix (paradoxe quand on sait que Vincent Genin n’a pas enregistré le son de celle de Marcel Detienne).

Virgule

Quelques jalons (1). Enfance et études. « Marcel a-t-il été un enfant ? » (p. 96) Famille bourgeoise et commerçante. Grand-père médiéviste et historien de l’art. Une formation auprès des jésuites du Collège Saint-Servais. « Un empire de travail » (p. 94). « Dans son monde ». Les études universitaires à Liège, en philologie classique. Un philologue (excellent), bien qu’il ait toujours rêvé d’en sortir et qu’il l’ait dit avec force. Le rapport à la philologie, trait séminal du parcours de Detienne et de ses rapports avec Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet ou encore Claude Lévi-Strauss. Voir aussi ce que rapporte l’ami Philippe Sollers dans L’année du tigre. Journal (1998), 1999, sur la non-élection au Collège de France de Marcel Detienne, en 1992 (et le départ pour l’université Johns-Hopkins, à Baltimore aux Etats-Unis, « Detienne me raconte qu’un des pontes du Collège lui a carrément ait passer un examen de grec. Stupeur. ‘Ah, dit le type, on m’avait dit que vous ne connaissiez pas le grec…’ », citation, p. 154).

Quelques jalons (2). Paris et le désir de Paris. Le séminaire de Louis Gernet. Intégrer le giron de Vernant, « cet homme sans fils » (p. 23). Années 1960. Rencontre sa première femme, Jeannie Carlier. Finalement intégré à la « phalange » en 1963, fait allégeance à Braudel (p. 37). Les recherches autour des notions d’Aléthéia et de Mètis. Les Maîtres de vérité dans la Grèce archaïque, fruit d’une thèse discrètement soutenue à Liège en 1965, un ouvrage paru en 1967. L’enquête sur la Mètis, une recherche portée par la vague structuraliste, le compagnonnage avec Vernant (Les Ruses de l’intelligence, 1974). L’entreprise structurale (voir le chapitre « S’engraisser de structuralisme »). Mythologie des aromates et mythologie du miel. Cf. Les Jardins d’Adonis, 1972, correspondances avec Claude Lévi-Strauss à ce sujet (voir p. 191 et s.). Période faste, couronnée par l’élection à une direction d’études à l’EPHE, en 1975.

Quelques jalons (3). Une remise en question épistémologique à partir des années 1970, notamment à l’occasion de colloques en Italie (laboratoires italiens). Est-ce en Italie qu’il faut chercher le « deuxième Detienne » (p. 86) ? Detienne s’interroge déjà sur la prétendue exceptionnalité grecque. Interroge la notion de mythe. Voir L’Invention de la mythologie, livre paru en 1981, « une espèce d’objet transitionnel par lequel on se dit pour ou contre Detienne » (p. 119, et voir ce qu’en dit notamment Nicole Loraux). Met à mal toute idée d’exceptionnalité, d’universalité, d’eurocentrisme, de gréco-centrisme. Le deuil de Lévi-Strauss. Le douloureux éloignement d’avec Vernant dès avant et après la publication de La cuisine du sacrifice en pays grec (1979). Les recherches sur Dionysos et sur Apollon. A la recherche du comparatisme perdu. Les années 1990 et la publication, en 2000, au Seuil dans la collection de son ami Maurice Olender, de Comparer l’incomparable. Ce livre, ainsi qu’Où est le mystère de l’identité nationale ? (2008) ou Comment être autochtone (2003), constituent des « travaux stimulants, clivants, courageux » (p. 168).

Marcel Detienne et Giulia Sissa à Saint-Malo en mai 1997, par Louis Monier

Quelques compléments

Une fiche biographique rédigée par Renée Koch Piettre ;

Une présentation du parcours de Marcel Detienne par Vincent Genin sur le site laviedesidees.fr (avril 2021) ;

Une table ronde autour du livre Avec Marcel Detienne (avril 2021) ;

Une page du site franceculture.fr donnant notamment accès à une série d’entretiens de Marcel Detienne avec Pascale Lismonde (mars 1989, émission A voix nue) ;

Un film-entretien de Thomas Lacoste, Marcel Detienne, forain chez tous. Comparer l’incomparable (2008) ;

Un entretien avec Marcel Detienne, texte publié par Asdiwal. Revue genevoise d’anthopologie et d’histoire des religions (novembre 2007, publication en 2008) ;

Un entretien avec Marcel Detienne publié dans Genèses (2008) ;

Quelques-unes des publications de Marcel Detienne parues chez Gallimard ;

Une page du site persee.fr donnant accès à plusieurs dizaines de contributions de Marcel Detienne ;

Une lettre en forme d’hommage, texte publié par Christian Jacob après l’annonce de la disparition de Marcel Detienne (mars 2019).

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