Cinquantième numéro de Chemins d’histoire, huitième numéro de la deuxième saison
Émission diffusée le dimanche 1er novembre 2020
Le thème : Une histoire de la danse dans le monde occidental depuis la Préhistoire
Les invités : Laura Cappelle, docteure en sociologie de l’art et journaliste, qui assure la direction de la Nouvelle Histoire de la danse en Occident. De la Préhistoire à nos jours, Seuil, 2020, avec la participation (sous la forme de deux bulles sonores) d’Adeline Chevrier-Bosseau, maîtresse de conférences en littérature américaine à l’Université Clermont-Auvergne, et d’Adrien Belgrano, doctorant en histoire médiévale à l’Ecole des hautes études en sciences sociales.
Le canevas de l’émission
Aux origines du livre. La nécessité d’une nouvelle histoire de la danse occidentale, un travail de synthèse qui s’impose, alors que les ouvrages de cette nature ont vieilli et que l’historiographie s’est renouvelée, l’histoire de la danse ne pouvant être réduite au rôle de parent pauvre (vis-à-vis de la musique et des arts visuels). De quoi s’agit-il ? La danse comme un « ensemble de mouvements rythmiques constituant une forme de communication non verbale », le plus souvent pratiquée par des groupes (chapitre de Yosef Garfinkel, chapitre sur la Préhistoire). Les mots de la danse (ballet, le premier ballet de l’histoire de la danse serait le ballet comique de la reine, mis en scène le 15 octobre 1581 pour le mariage d’Anne de Joyeuse, favori d’Henri III, p. 75, Marina Nordera ; chorégraphie, mot qui apparaît pour la première fois en 1700, sur la page de titre d’un ouvrage du maître de danse parisien Raoul-Auger Feuillet, Chorégraphie, ou l’art de décrire la danse par caractères, figures et signes démonstratifs, désigne alors une notation pour la danse, commentaire de l’illustration 15, avec ce qui est dit p. 82, par Marie Glon).
La danse, un défi pour l’historien. Des sables mouvants. Pourquoi ? un processus d’effacement évident pour les périodes anciennes mais valable pour des périodes plus récentes. Une histoire à trous. La question des sources.
Quelle histoire est-elle proposée par la somme publiée par les éditions du Seuil ? Une histoire chorégraphique, d’abord pensée comme la somme des grandes œuvres et des grands hommes qui leur auraient donné forme (en fait, bien plus complexe, et qu’il ne faut pas lire de manière téléologique, autour notamment du concept de modernité). Une histoire du / des corps. Une histoire des émotions. Une histoire des femmes. L’histoire de la danse est aussi le fait de spécialistes venus d’autres disciplines. Diversité d’approches reflétée surtout pour l’histoire du temps présent. Au-delà, un dialogue ambitieux avec des problématiques plus larges : les sens symboliques assignés au mouvement, les oscillations entre le profane et le sacré, les rapports entre individus et collectifs, le processus de création, etc. Des problématiques qu’évoque la photographie de la première de couverture et les photographies, en noir et blanc et en couleur, reproduites dans l’ouvrage. Une histoire de la danse… en Occident… mais poreuse aux aires géographiques proches.
Un « exploit chorégraphique », pour reprendre les mots de William Forsythe ? 27 auteurs (19 femmes, parmi lesquelles la directrice, et 8 hommes). Une équipe internationale (10 chercheurs en poste à l’étranger). Quels profils ? Quelles compétences mobilisées ? Bulle sonore en compagnie d’Adeline Chevrier-Bosseau. Les prémices de la danse moderne, à travers les figures de Loïe Fuller et d’Isadora Duncan, un nouveau rapport au corps.
Une histoire qui fonctionne en quatre blocs inégaux. Première partie : Danse sacrée, danse profane, de la Préhistoire au Moyen Age (quatre chapitres, dont un consacré à la culture citoyenne de la danse en Grèce, par Marie-Hélène Delavaud-Roux, et un autre présentant la situation dans le monde romain, par Marie-Hélène Garelli). Deuxième partie : vers l’épanouissement de la danse scénique, de la Renaissance au XIXe siècle (8 chapitres). Le XXe siècle (7 chapitres, 11 interventions). Le temps présent (4 chapitres).
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Quelques points saillants du livre (1). Le modèle interprétatif de la danse aux temps de la Préhistoire, par Yosef Garfinkel, qui voit la danse devenir un vecteur essentiel de la cohésion sociale. Les 5 étapes (la première, qui pourrait remonter à 1 M. années, associée aux pratiques de séduction ; la deuxième, qui commence il y a environ 100 000 ans, liée à l’apparition des premiers rites funéraires, avec les premières danses collectives ; la troisième, avec l’apparition des figures anthropomorphes et des danses de transe ; la quatrième étape, avec le début du Néolithique et l’invention de l’agriculture ; la cinquième, vers 5 000 BCE, avec l’émergence des sociétés urbaines).
Quelques points forts (2). Le Moyen Age. Bulle sonore, en compagnie d’Adrien Belgrano. Le discours de l’Eglise sur les danses laïques et liturgiques. Commentaire de l’illustration 10 du cahier iconographique.
Quelques points forts (3). Après l’époque moderne et l’avènement du ballet romantique dont on retient souvent uniquement La Sylphide et Gisèle, alors que l’héritage est bien plus complexe, comme le montre Sylvie Jacq Mioche, on peut évoquer la figure de Marius Petipa (1818-1910), Marseillais qui part pour Saint-Pétersbourg à l’âge de 29 ans et qui connaît une carrière prolifique en Russie (voir les chapitres rédigés par Sergey Konaev et Alaistair Macaulay). Ses ballets sont repris et transformés dans le monde entier avant même sa mort (La Bayadère, La Belle au bois dormant, Le Lac des cygnes, Raymonda, etc.). Qu’apportent les archives de Petipa et les notations chorégraphiques de ses œuvres (voir en particulier les notations d’un danseur du corps de ballet à Saint-Pétersbourg, Vladimir Stepanov, inventeur d’un système de notations, p. 132 et illustration 22) ? Quelle influence sur les générations suivantes ?
Quelques points forts (4). En Allemagne, la danse moderne ou danse d’expression (Ausdruckstanz) qui germine au début du XXe siècle (au temps du groupe Die Brücke et du collectif Der Blaue Reiter, citation de Wassily Kandisky, p. 188, chapitre rédigé par Laure Guilbert), connaît un exceptionnel développement dans l’Allemagne de Weimar après la phase d’incubation de la Grande Guerre (en Suisse, autour de la communauté végétarienne de Monte Verita, p. 189), avec l’émergence des premières compagnies de danse moderne, un monde qui fuit ou qui s’accommode du régime après 1933, un monde qui ressurgit et se métamorphose durant la seconde moitié du XXe siècle, avec le Tanztheater, en Allemagne de l’ouest, jusqu’à aujourd’hui.
Quelques points forts (5). Après un long parcours dans le XXe siècle, réflexions sur les recompositions chorégraphiques actuelles. Être classique au XXIe siècle, une identité paradoxale. Un rapport fort à la tradition. Quels répertoires ? Quelle ouverture à la chorégraphie contemporaine ?
