Deux-cent-trente-sixième numéro de Chemins d’histoire, neuvième de la septième saison
Émission diffusée le dimanche 30 novembre 2025
L’invitée : Camille Schmoll, directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, autrice de Chacun sa place. Une géographie morale des mobilités, CNRS éditions, 2025, et de Les Damnées de la mer. Femmes et frontières en Méditerranée, initialement paru en 2020 qui reparaît dans une version poche, La Découverte, Camille Schmoll qui signe l’article « Migration » de Géographies. Un dictionnaire, CNRS éditions, 2025.
Le thème : Géographie morale des mobilités
Le canevas de l’émission
L’introduction s’ouvre sur deux événements, deux épisodes qui n’ont rien à voir entre eux mais qui sont rapprochés : l’évacuation place de la République, à Paris, par la police de quelques centaines de personnes qui avaient installé leurs tentes (le 23 novembre 2020), la réunion, à Athènes, des membres européens de l’OMT / ONU Tourisme (le 3 juin 2021). Deux régimes de mobilité différents sont convoqués par ces deux événements (migration / tourisme). Des registres différents de désirabilité. « Tourisme et migrations agissent ici comme des révélateurs d’un ordre global des mobilités, dont la dimension morale est centrale pour comprendre les enjeux du monde contemporain » (p. 13).
Un parti-pris : aborder les différentes formes de mobilité comme appartenant à un continuum, travailler leurs rapprochements, tout en analysant la diversité de leurs significations et de leurs manifestations. Refuser les compartimentations (études migratoires / études sur le tourisme, mobilité / immobilité). Inclure l’ensemble des acteurs et des « actants », éléments non-humains qui prennent également part aux régimes de mobilité (infrastructures de transport, êtres vivants non humains, objets, tentes de camping, serviettes de plage, smartphones, etc.). Voir la grille de lecture élaborée dans le chapitre 2, p. 61, chapitre portant sur les conflits de mobilité.
Sortir d’implicites moraux. Parce qu’il s’agit bien d’une géographie… morale. Mobilité associée à des formes émancipatrices ou, au contraire, de déchéance, de perte de soi. Expliquer « comment les sociétés projettent sur l’espace des valeurs et des normes qui constituent, en retour, un principe d’organisation de cet espace et de différenciation des individus qui l’occupent » (p. 17). Attention aux conflits, aux controverses (les choix de l’autrice, différentes échelles, différents lieux, Paris, la Méditerranée, etc.). La place de l’autre. La question du lien entre mobilités et transformations des espaces et des lieux.
La géographie proposée dans le champ plus global des études sur les mobilités. Le tournant mobilitaire dans les sciences sociales. Discussion autour du concept de « société hypermobile ». Quelle remise en cause de ce concept ?
Terrains (voir p. 23) : migrants et migrantes en Méditerranée, exilées venues d’Ukraine, Paris, etc.
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Quelques points saillants (1). La mobilité des femmes. Voir le chapitre 3, « Mouvement des femmes et frontières du genre ». L’autrice évoque d’abord les « meurtres de joggeuses » (voir l’affaire dite Daval) perpétrés sur des femmes qui courent dans des lieux isolés et se trouvent confrontées à un inconnu malintentionné. Une occurrence en fait marginale mais très médiatisée. L’écrasante majorité des viols et des meurtres commis sur les femmes se déroule en fait dans un cadre domestique. Ces crimes sont en général perpétrés par des personnes familières des victimes, leurs conjoints au premier chef, et non par des inconnus de passage. Tout cela permet de justifier la limitation ou l’encadrement des mobilités féminines… par le pouvoir masculin.
(2). Paris comme caisse de résonnance majeure des conflits moraux de mobilité (p. 85, chapitre 4). Lieux et mobilités. Points de friction, partages des lieux. Château-Rouge et La Chapelle. La bataille des cadenas sur les ponts parisiens. Ville festive et ville plateforme. Lieux de mobilité sont sujets à des formes de marquage intenses de frontières sociales et spatiales, entre les légitimes et les illégitimes.
Les chemins de Camille Schmoll. La direction adjointe des Editions de l’EHESS.
