Deux-cent-septième numéro de Chemins d’histoire, douzième de la sixième saison
Émission diffusée le dimanche 29 décembre 2024
L’invitée : Claire Nicolas, chercheuse auprès du Fonds national suisse, autrice d’un ouvrage intitulé Une si longue course. Sport, genre et citoyenneté au Ghana et en Côte d’Ivoire (années 1900-1970), Presses universitaires de Rennes, 2024.
Le thème : Sport, genre et citoyenneté au Ghana et en Côte d’Ivoire, de la colonisation aux indépendances et au-delà
Le canevas de l’émission
L’objet du livre en quelques mots : l’histoire « de l’association entre activités sportives, genre et citoyenneté », qui « prend paradoxalement racine dans le passé colonial ouest-africain ». « Explorer le déploiement de ces activités » et « mettre au jour la manière dont elles sont utilisées pour proposer différents modes d’apprentissage de la citoyenneté ». Explications et commentaire. L’espace de référence : la Côte d’Ivoire, devenue officiellement un protectorat en 1843 puis une colonie française en 1893, avec une résistance forte (Samori Touré) jusqu’à la fin des années 1910. Les Britanniques annexent les régions côtières de la Gold Coast dès 1874. Les Northern Territories et l’Ashanti deviennent des protectorats après 1900, le Togoland allemand, à l’est, est occupé puis annexé par les Britanniques après la Grande Guerre. Processus de décolonisation. Indépendances acquises en 1957 (Ghana) et en 1960 (Côte d’Ivoire).
Aspects historiographiques. « Pour une histoire intersectionnelle de l’enfance et de la jeunesse ». Un axe essentiel traverse l’ouvrage : la manière dont l’organisation et la pratique des activités sportives ont participé à construire des régimes de genre, du début du XXe siècle à la fin des années 1970. Explorer « la colonialité du genre », concept de Maria Lugones. Explications (voir la p. 17). Interroger la notion de « sport moderne » et prendre en compte une large palette de « cultures physiques ». Définition élargie, exemples. L’ouvrage se concentre bien sur des pratiques qui prennent leur source dans la domination impériale. Entre histoire comparée et histoire globale. Comprendre, suivant la piste proposée par Arjun Appadurai, comment les sports ont cessé d’incarner les seules communautés nationales métropolitaines pour devenir des modes de jeu et de rituel redéfinis bien au-delà de leur configuration originale, alimentant des débats locaux sur l’héritage colonial, la citoyenneté postcoloniale et le genre » (p. 26).
Les sources utilisées, multisituées, à l’aune des acteurs et des actrices intégrées dans la réflexion (athlètes, scouts, guides, parlementaires, activistes, membres du corps enseignant, journalistes, etc.). Sources écrites et orales (témoignages recueillis entre 2014 et 2022).
Virgule
Quelques aspects du livre (1). Les dispositifs d’activités sportives pendant la période coloniale. Pesée de la pratique sportive coloniale, dans des contextes différents, Gold Coast et Côte d’Ivoire, où les Français gardent la mainmise sur l’organisation des sports). Le lien entre pratique sportive et masculinité élitaire est important (explications et exemples) mais des dispositifs différents existent (place des jeunes issus des classes populaires rurales et urbaines, photographies de combats de boxe, p. 41 et 62, place des femmes). Les activités sportives en contexte scolaire. Redresser, moderniser, éduquer. Instrument civilisateur. A l’aune de la taxonomie coloniale, avec une forte insistance sur la paresse des jeunes filles, l’indiscipline des jeunes garçons. Le combat contre les mouvements trop sexualisés des danses locales, le désintérêt pour l’ampe. Mais les pratiques locales résistent. Le tout est à comprendre dans une dynamique plus large. Le rôle fondamental du scoutisme. Scoutisme et politiques publiques coloniales. Scoutisme et formation élitaire. Diversité des scoutismes.
(2). Manière dont les indépendances ont reconfiguré les sports, de 1957 aux années 1970. Les sports européens au cœur des fêtes d’indépendance. Investissement dans le sport. Outil de soft power. Construction différente au Ghana et en Côte d’Ivoire. Fabrique des athlètes modèles ivoiriens est construite en coopération avec la France (au temps d’Houphouët-Boigny). Le Ghana de la Ière République (Kwame Nkrumah, président entre 1960 et 1966) s’inscrit dans la galaxie socialiste. Sports et mise en scène des identités nationales. La nouvelle place des femmes. Le sport en contexte scolaire, sous le signe de la formation citoyenne. Quelle place pour les filles ? Les mouvements de jeunesse à l’heure des indépendances. L’exemple des Ghana Young Pioneers, une jeunesse unifiée au service du panafricanisme. Autres mouvements. Modalités et pratiques.
Les chemins de Claire Nicolas.



Combat de boxe au centre communautaire d’Asamankese (Gold Coast, Ghana, vers 1940-1950) et Elèves du prestigieux Achimota College sur un terrain de sport (Ghana, vers 1955), Jeu de rôle d’une troupe des scouts catholiques de Côte d’Ivoire à Abidjan (vers 1975), photographies reproduites dans le livre de Claire NIcolas, p. 62, 99 et 244