Deux-cent-cinquième numéro de Chemins d’histoire, dixième de la sixième saison
Émission diffusée le dimanche 22 décembre 2024
L’invité : Benjamin Hoffmann, professeur à Ohio State University, préfacier de l’édition de l’ouvrage de Montesquieu, De l’esprit des lois, suivi de Défense de l’esprit des lois, Gallimard, « Quarto », 2024, sur la base des textes établis et annotés par Laurent Versini et par Roger Caillois, avec un avant-propos de Dany Laferrière, membre de l’Académie française.
Le thème : Montesquieu et L’Esprit des lois (1748)
Le canevas de l’émission
Point de départ : avant-propos de Dany Laferrière, qui raconte sa rencontre avec Montesquieu à Port-au-Prince, en Haïti, dans les années 1960. « Montesquieu est entré dans ma vie vers la fin de l’adolescence » (citation à lire, p. 11). Benjamin Hoffman et Montesquieu. Montesquieu vu depuis notre époque, depuis l’Amérique.
Rappels sur la vie de Montesquieu, Charles Louis de Secondat naît au château de La Brède, au sud de Bordeaux. Famille. Etude au collège de Juilly, un établissement oratorien, à une quarantaine de kilomètres de Paris (1700-1705). Y ébauche ses premiers essais littéraires. A Bordeaux, pour des études de droit, bachelier en droit civil et canonique en 1708, reçu avocat la même année. Années parisiennes, 1709-1713. Après la mort de son père, il est conseiller au parlement de Bordeaux, en 1714. En avril 1716, est élu à l’Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux. Ce même mois, mort de son oncle, Jean-Baptiste de Montesquieu : Labrède est le seul héritier, reçoit la baronnie de Montesquieu et la charge de président à mortier (préside effectivement des séances à partir de la fin 1723, cède l’usufruit de sa charge et est libéré de ses obligations en 1726, vend sa charge en 1748). Se marie (1715) et fonde une famille. En 1721, publication des Lettres persanes (ouvrage anonyme publié sous une fausse adresse, à Amsterdam, éditions A puis B). Est élu à l’Académie française en décembre 1728. Voyages à Vienne, en Italie, aux Provinces-Unies, en Angleterre (1728-1731). En 1734, Montesquieu publie les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, essai de philosophie politique, qui paraît à Amsterdam. Vit par la suite, entre Bordeaux, le château de La Brède et les séjours à Paris, auprès de cercles mondains, chez la marquise de Tencin, par exemple.
L’ouvrage qui paraît en 1748 à Genève s’intitule De l’esprit des lois. Est-ce le livre d’une vie ? Il faut certainement remonter très haut le projet d’une œuvre qui couronne toute une vie intellectuelle. Pour faire cette archéologie, on bénéficie de nombreux documents. Montesquieu a accumulé lectures, correspondances, réflexions, notes multiples (voir le travail éditorial mené par la Voltaire Foundation et les éditions Classiques Garnier, la série des Œuvres complètes de Montesquieu, en particulier la parution récente, en 2024, de « Mes pensées », t. 14 et 15, édition de « réflexions » de Montesquieu dont trois tomes ont subsisté, tomes conservés à la Bibliothèque de Bordeaux, édition sous la direction de Catherine Volpilhac-Auger, également éditrice d’un choix de Mes Pensées chez Gallimard, collection Folio ; voir aussi l’édition en ligne de Mes Pensées, proposée par l’université de Caen, sous la direction de Carole Dornier). Ecouter Montesquieu : voir la lettre à Solar, le 7 mars 1749, « Au sortir du collège, on me mit entre les mains des livres de droit, j’en cherchais l’esprit, je ne faisais rien qui vaille ». Lecture de la préface de L’Esprit des lois, ici p. 112-113 : « Quand j’ai découvert mes principes, tout ce que je cherchais est venu à moi, et dans le cours de vingt années, j’ai vu mon ouvrage commencer, croître, s’avancer et finir ». Donc, avant les voyages (1728) !
La cristallisation de l’après 1734, l’écriture à partir de 1739. Les points d’ancrage de L’Esprit des lois. Les Considérations. L’étude de la « constitution d’Angleterre » (ce qui deviendra le chapitre 6 du livre XI de L’Esprit des lois). Les Réflexions sur la monarchie universelle, non publiées. Les Réflexions sur le caractère de quelques princes et sur quelques événements de leur vie. En 1736, Montesquieu travaille à l’Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères (ouvrage finalement abandonné en 1738), dans lequel il prolonge ses réflexions au sujet des modalités d’interaction entre causes physiques et morales, posant au passage les jalons du livre XIV de L’Esprit des lois. L’ouvrage et sa maturation. Sa fille Denise lui sert de secrétaire entre juin 1744 et mars 1745. La réunion de février 1745.
L’impression genevoise, chez Jacques Barrillot. Le rôle du relecteur Jacob Vernet. La réimpression parisienne de 1749. Réactions à la publication. Les remontrances des jésuites (dans les Mémoires de Trévoux). L’offensive janséniste (dans les Nouvelles ecclésiastiques) et la réponse de Montesquieu (Défense de l’Esprit des lois, 1750). Blâmes de la Sorbonne (examen début en février 1750, projet de censure transmis à Montesquieu en 1752, censure qui n’est jamais publiée) et condamnation du Vatican (l’ouvrage est placé sur la liste des ouvrages prohibés en 1751, décret publié en 1752). Nouvelle édition posthume de l’ouvrage, en 1757 (deux ans après la mort de Montesquieu).
Montesquieu, L’Esprit des lois et l’invention des sciences sociales. Comment lire L’Esprit des lois ?
Documents cités
Un article de Catherine Volpilhac-Auger, publié dans la revue Dix-huitième siècle en 2019, article intitulé « Les manuscrits de Montesquieu : un château de cartes ? ».
L’édition électronique du manuscrit de L’Esprit des lois, édition parue, en septembre 2024, sous la direction de Catherine Volpilhac-Auger et disponible sur le site montesquieu.huma-num.fr.

