Cent quatre-vingt-dix-septième numéro de Chemins d’histoire, deuxième de la sixième saison
Émission diffusée le mercredi 18 septembre 2024
L’invitée : Lucie Malbos, maîtresse de conférences à l’université de Poitiers, autrice de Les Peuples du Nord. De Fróði à Harald l’Impitoyable, Ier-XIe siècle, Belin, 2024.
Le thème : Les peuples du Nord, entre Ier et XIe siècle
Le canevas de l’émission
Le projet, qui vient à l’issue d’une quinzaine d’années de travaux sur le monde scandinave (thèse sur les ports des mers nordiques à l’époque viking, soutenue en 2015, publiée en 2017 ; publication de Harald à la Dent bleue. Viking, roi, chrétien, Passés Composés, 2022 (édition poche en 2024) ; Le Monde Viking : portraits de femmes et d’hommes de l’ancienne Scandinavie, Tallandier, 2022). Le projet et la collection dirigée par Joël Cornette (les images, les cartes d’Aurélie Boissière, l’équipe Belin).
Une histoire millénaire du monde scandinave (on laisse de côté la Finlande et le monde finnois). Les Scandinaves sont au cœur de l’ouvrage (Danemark, Norvège et Suède), sans délaisser l’Islande et le Groenland, intégrés dans l’espace scandinave après leur découverte par les hommes du Nord, au cours du IXe siècle. La question de la diaspora. Le vocabulaire utilisé : Scandinavie, peuples du Nord, comment nommer les choses ? Quelles catégories lexicales utiliser ? La question du découpage temporel. Le découpage « à la française » ne convient pas. On est ici, du point de vue scandinave, encore, pour grande partie, dans la Préhistoire. Age de bronze et âge de fer scandinave. Sous-périodes : âge de fer préromain, âge de fer romain, période des migrations / âge de fer germanique, âge viking (à partir de la fin du VIIIe siècle, jusqu’au XIe siècle).
Le choix du livre : dépasser les raids vikings, dépeindre la diversité des peuples du Nord. Nécessité de revenir ici sur l’histoire des vikings à une autre échelle : l’histoire des vikings fait l’objet de tous les détournements, dès les écrits ecclésiastiques à l’époque carolingienne jusqu’à nos jours. Les attaques des Nortmanni, les hommes du Nord. Grande diversité lexicale. Au tournant des Xe et XIe siècles, on voit apparaître, rarement, le terme vikingr sur des inscriptions runiques. Le terme se développe à partir du XIIIe siècle, dans la littérature islandaise. Origine débattue. Mot d’abord féminin, désignant une expédition maritime saisonnière destinée à s’enrichir, sans que cela préjuge des moyens pour ce faire (même si la piraterie y tient une place importante). Le mot, tombé en désuétude à la fin du Moyen Age, réapparaît en Scandinavie à la Renaissance, il est réhabilité par les romantiques au début du XIXe siècle (désigne les aventuriers scandinaves et la période qui s’étend de 793 à 1066, double emploi qui perdure aujourd’hui, avec une acception encore plus large, le terme désignant l’ensemble des populations scandinaves de ces près de trois siècles). Un ethnonyme, employé à toutes les sauces, jusqu’à l’absurde. Réappropriation et détournement aux époques médiévale, moderne et contemporaine. Récupération par les idéologies fasciste et nazie. Mythe viking et mondial. Le viking dans la culture populaire aujourd’hui. La série télévisée Vikings de Michael Hirst (2013-2020).
Le moment viking reste tout de même au cœur de l’ouvrage de Lucie Malbos… compte tenu des sources disponibles. La difficulté est ici la suivante : il s’agit d’un monde en marge de l’écrit. Il faut attendre le IIe millénaire pour que la Scandinavie entre dans le monde de l’écrit et même plutôt les XIIe et XIIIe siècles pour voir se développer une véritable tradition littéraire, largement venue d’Islande. Quelles productions scripturales scandinaves ? Courtes inscriptions gravées dans des matériaux durs au moyens d’une écriture qui s’y prête particulièrement bien : les runes. Premières inscriptions runiques : IIe siècle de notre ère (analyse, p. 139). Les écrits extérieurs au monde scandinave. Le recours indispensable aux sources archéologiques et iconographiques.
Une historiographie en plein développement. Des pôles de recherche en Scandinavie et en France (l’école de Caen, avec Pierre Bauduin, par exemple, l’accomodation et la diaspora). Nouvelles orientations (histoire environnementale, histoire des femmes et du genre, voir l’atelier 3, mais aussi dimension économique et technique).
Virgule
Quelques aspects du livre (1). L’âge de fer préviking. Dans les ténèbres et dans la légende. Sociétés instables et dynamiques entre IIIe et Ve siècle. Les effets de la chute de l’empire romain d’Occident. Un monde polarisé, l’apport de l’archéologie : lieux de pouvoir et grandes halles (voir la reconstitution de la halle monumentale de Lejre, au Danemark, p. 86-87), tertres funéraires et tombes à bateau. Les élites et les autres…
(2). Au cœur des temps vikings et au-delà. Contours politiques. Emergence d’un royaume des Danois, rois norvégiens et suédois à l’autorité limitée. Le sud, sous pression carolingienne. Le Nord qui devient menaçant. Pillages et installation, quelle chronologie ? Diaspora (Normandie, îles britanniques, îles Féroé et Islande) et consolidation des royaumes scandinaves au Xe siècle, d’abord chez les Danois puis en Norvège et en Suède. L’affirmation de trois monarchies chrétiennes scandinaves se finalise au XIe siècle. La christianisation : un mouvement au long cours, jusqu’à l’entrée dans la chrétienté latine. La dimension économique.
Epilogue. Décryptage de la première de couverture (voir également p. 368 et 466).
