Cent soixante-dix-septième numéro de Chemins d’histoire, dix-huitième de la cinquième saison
Émission diffusée le mercredi 14 février 2024
L’invité : Anatole Le Bras, agrégé et docteur en histoire (Sciences Po), auteur de Aliénés. Une histoire sociale de la folie au XIXe siècle, CNRS éditions, 2024.
Le thème : La condition aliénée au XIXe siècle
Le canevas de l’émission
Le projet de la thèse, travaillée sous la direction de Paul-André Rosental et Benoît Marejus et soutenue en septembre 2021, et du livre qui en est issu. Une histoire des aliénés, une histoire de la condition aliénée (p. 20), soit « une situation sociale qui n’est ni celle d’une classe, d’un Etat, d’une caste ou d’une communauté mais d’une minorité » (mots de Pap Ndiaye), ayant en l’occurrence l’expérience d’être désignée et traitée comme aliénée. Longtemps a prédominé une histoire de l’asile, l’histoire des aliénés est « encore en cours de défrichement » (p. 15). Le corpus historiographique sur lequel s’est appuyé l’auteur (histoire sociale, histoire des institutions d’assistance, réflexion sur les « institutions disciplinaires », emprunts aux disability studies et aux travaux historiques sur le handicap et la surdité, la dimension juridique). Appréhender l’ordinaire et le quotidien de cet « ailleurs social » que constitue la folie (Dominique Kalifa), au-delà ou en deçà de la fascination, de l’effroi ou de la compassion qu’elle a pu générer au XIXe siècle.
La chronologie de référence (la loi du 30 juin 1838 qui organise l’assistance aux aliénés, que dit cette loi ? Une loi de mise en ordre ? un asile public d’aliénés par département ou contrat avec un établissement privé ; modes de placement dans ces établissements ; jusqu’où va l’étude ?). Le terrain d’études : trois ensembles documentaires (analyse des procès pour séquestrations d’aliénés à domicile, étude de l’interdiction judiciaire qui organise la mise sous tutelle d’individus atteints d’alinéation mentale ; analyse des archives de sociétés de patronage pour aliénés convalescents), deux départements scrutés (Finistère et Seine), trois asiles (asile pour hommes de Quimper, fondé en 1826, le quartier pour femmes aliénées de l’hospice de Morlaix, ouvert en 1833, l’asile de Ville-Evrard, créé en 1868, pour le département de la Seine). Richesse archivistique, explications. Dans ces monceaux d’archives, débats de conseils généraux sur le coût des asiles, rapports de médecins, échanges avec des familles… mais aussi écrits d’internés.
Un livre qui suit les trajectoires d’individus (nommés !). Au cœur des foyers, les chemins de l’asile, à l’asile et ce que fait la « capture institutionnelle » aux aliénés (avec la mise à l’épreuve des liens familiaux et la réaction des aliénés face à la mise sous tutelle), la sortie de l’asile, le cas échéant.
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Quelques points majeurs du livre (1). Les séquestrations d’aliénés, qui existent bien après la loi de 1838. Lecture d’un extrait de La Gazette des tribunaux, en date du 22 juin 1873 (p. 25). Autour d’Albin Le Gouallec, de Plouay (Morbihan). Les limites de l’entreprise asilaire, les aliénés en liberté.
Quelques points majeurs du livre (2). Les profils des aliénés. Origines socioprofessionnelles. Portrait social (la place des élites sociales, en dehors des pensionnats payants, l’asile est-il un réceptacle de la misère ?). Affections diagnostiquées : quelle typologie ? Les manières d’être fou. Les catégories utilisées (voir les graphiques de la p. 123) dans les registres d’entrée. Des mots des médecins aux discours familiaux. Hommes et femmes, villes et campagnes (le délire religieux dans le Finistère, lecture d’une citation, p. 144, du docteur Abel-Joseph Meilhon, directeur de l’asile Saint-Athanase de Quimper entre 1897 et 1919).
Quelques points majeurs du livre (3). A l’asile. Trajectoires, transferts (parcours parfois complexes, Jean G et Martin V), décès à l’asile, sortie parfois (qui sort et dans quelles circonstances ?). La mise à l’épreuve des liens familiaux (méfiance des médecins, visites et permissions, correspondances). Mise sous tutelle des aliénés (internement et interdiction, l’usage de l’interdiction est indépendant de l’internement asilaire, même s’il peut s’y superposer), explications (incapacitation civile de l’interné, la mort civile que constitue l’interdiction).
Retrouver les voix des aliénés. Subjectivités aliénées. Ecrits et dessins. La voie / voix protestataire.
Asile de Ville-Evrard (aujourd’hui à Neuilly-sur-Marne, en Seine-Saint-Denis), carte postale sans date
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