Emission 174 : Les cultes domestiques en Gaule romaine, avec Marin Mauger

Cent soixante-quatorzième numéro de Chemins d’histoire, quinzième de la cinquième saison

Émission diffusée le jeudi 28 décembre 2023

L’invité : Marin Mauger, docteur en histoire romaine de l’université de Bretagne occidentale, auteur d’une thèse intitulée Honorer les dieux au foyer. Les cultes domestiques en Gaule romaine, thèse soutenue en décembre 2022, sous la direction de Valérie Huet, primée en décembre 2023 par la Société des professeurs d’histoire ancienne de l’Université (SoPHAU).

Le thème : Les cultes domestiques en Gaule romaine

Le canevas de l’émission

L’objet de la thèse en quelques mots. Voir la p. 20 du premier volume : « Nous avons donc choisi de considérer l’ensemble du mobilier rituel et des structures d’accueil des images divines découverts dans un contexte domestique avéré. L’objectif d’un tel corpus est d’offrir une base de réflexion saine pour approcher les cultes de la famille au sein de son espace
communautaire ». Culte domestique plutôt que culte familial, pas vraiment possible à appréhender ici. Trois catégories d’objet : les images divines, les objets du rite et les offrandes. Pas toujours facile de distinguer la vaisselle pour le culte et celle du quotidien cependant. Que faire des objets qui n’ont pas de valeur religieuse intrinsèque ? L’étude se concentre sur les attestations cultuelles en contexte urbain (travaux de Stanislas Bossard et d’Emmanuel Pui), écarte celles qui ont été découvertes dans un commerce ou dans un atelier. Bornes chronologiques. Majorité des données se concentre entre le IIe et le IIIe s. de notre ère. Associer les Trois Gaules à la Narbonnaise : pourquoi ? Au total : « une documentation mince, voire ténue, un assemblage aléatoire de découvertes qui ne peuvent en aucun cas fournir de tendances chiffrées ».

D’où la méthodologie : « une analyse fine des données, couplée à une redéfinition des cadres de la pensée, à l’aide notamment des outils heuristiques de l’anthropologie, permet tout de même d’offrir une lecture des dossiers les plus fournis » (voir p. 24). Cultes domestiques à comprendre dans leur épaisseur historiographique. Imaginaire et historiographie. L’auteur s’appuie notamment sur les écrits de controverse émanant des catholiques et des réformés au début du XVIIe siècle (Louis Richeome / Jean Bansilion). La religion privée romaine devient un objet d’étude historique à partir du XVIIIe siècle. Passé romain investi d’une mémoire nationale au XIXe siècle : approches folkloristes et reconstructions nationalistes. Les débats récents : la controverse Jörg Rüpke / John Scheid. Le premier défend, « à la place d’un ritualisme communautaire, l’expérience vécue de l’individu ». Le projet de recherche « Lived Ancient Religion (LAR) » à partir de 2012. La réponse de John Scheid, lequel insiste sur la « cohérence des mécaniques communautaires au sein de toute la société, de la famille jusqu’au groupe civique ». Les outils heuristiques (voir le chapitre 3 de la première partie). La notion de panthéon déconstruite grâce notamment aux travaux de Grégoire Schlemmer (sur les puissances divines des Kulungs, au Népal), la « mise en réseaux de divinités domestiques » (pour faire valoir la « logique combinatoire » et flexible des divinités mobilisées dans les lieux de culte domestiques), les « champs d’actualisation du divin », la notion d’idiosyncrasie communautaire (« une adaptation du langage cultuel non pas seulement par le chef de famille mais par l’ensemble de la communauté sous sa tutelle », voir p. 357).

Virgule

Les questions posées et qui guident le travail. Premier axe concerne les divinités domestiques en Gaule. Limites d’une historiographique qui impose « un panthéon domestique canonique », construit à partir des sources littéraires et des vestiges pompéiens, à savoir les Lares, le Génie du pater familias et les Pénates. Modèle qui ne fonctionne pas en Gaule. Les Lares ne sont que peu honorés en contexte domestique en Gaule si ce n’est par des familles appartenant aux élites civiques et aux origines italiques. Vision d’une « romanisation » par les Lares (voir l’historiographie du XIXe siècle) ne convient pas. Le culte du Genius (culte rendu au Génie du père de famille) : faible nombre de témoignages, diminution et disparition (en lien avec les hommages rendus au Génie impérial dans la sphère publique). Le chapitre sur les Pénates, très riche. Polysémie inhérente aux dieux domestiques : l’exemple de Tutela. Difficulté que représente la mise en rapport d’un théonyme avec une iconographie. Le « pragmatisme domestique », explications.

Deuxième axe concerne l’ancrage des dieux au sein de l’espace domestique. La notion de laraire ne s’avère pas opérante dans le cadre spatial considéré. La déconstruction du mythe
« romantique celtomane » de la « cave-sanctuaire »… même s’il y a de rares exemples de l’exposition cultuelle de statuettes au sein d’une pièce souterraine.

La publication et les chemins de recherche de Marin Mauger.

Autour de Tutela-Fortuna – statuettes : en bronze, divinité à la couronne crénelée, découverte sur le site du Bourguet, Alpes-de-Haute-Provence ; en argent, divinité panthée à la couronne crénelée, découverte à Mâcon, Saône-et-Loire ; en argent, divinité à la couronne crénelée, découverte à Bonneville, Haute-Savoie ; en bronze, divinité panthée à la couronne crénelée, découverte à Vienne, Isère ; en bronze, divinité à la couronne crénelée, tenant une barque, découverte à Gonesse, Val-d’Oise ; en bronze, Fortuna figurée avec une couronne crénelée, découverte à Mâlain, Côte-d’Or