Emission 167 : La France des Lumières en bande dessinée, avec Pauline Lemaigre-Gaffier et Rahul Markovits

Cent soixante-septième numéro de Chemins d’histoire, huitième de la cinquième saison

Émission diffusée le dimanche 5 novembre 2023

Les invités : Pauline Lemaigre-Gaffier, maîtresse de conférences à l’université Versailles-Saint-Quentin, et Rahul Markovits, maître de conférences habilité à diriger des recherches à l’Ecole normale supérieure, coateurs, avec Simon Spruyt, ingénieur en bande dessinée, d’un ouvrage intitulé Les Années Lumières. De la Régence aux Etats généraux, La Découverte et La Revue dessinée, 2023.

Le thème : La France des Lumières en bande dessinée

Le canevas de l’émission

La série et le projet à trois voix. Chaque volume de la collection, dirigée par Sylvain Venayre, présente « une époque de l’histoire de France, à jour des connaissances et des recherches actuelles, loin des légendes nationales comme des images d’Epinal ».

Le personnage principal : Jean-François Favarger. commis voyageur envoyé en 1778 par ses employeurs de la Société Typographique de Neuchâtel (STN) sur les routes de France, à la rencontre des libraires de province. Qu’est-ce que la STN ? Qui est Jean-François Favarger ? Son journal et sa correspondance avec la STN. Un splendide hommage à Robert Darnton (professeur émérite à Princeton et ancien directeur de la bibliothèque de Harvard) et à ses travaux, notamment Un tour de France littéraire. Le monde des livres à la veille de la Révolution (Gallimard, 2018), ouvrage qui s’appuie justement sur le journal et la correspondance de Favarger. Voir aussi le site de Robert Darnton, lequel apparaît dans la bande dessinée (dans la cave de l’aubergiste qui accueille Favarger lors de la première étape de son voyage en France, avec la référence explicite au livre qui a nourri cette bande dessinée, p. 18). La référence aux historiens (Darnton et Steven Kaplan, qui apparaissent en tant que tels dans la bande dessinée) et au grand penseur du XVIIIe siècle que fut Michel Foucault (qui surgit à son tour, lors de l’étape marseillaise). Le jeu, plusieurs fois repris, sur la distance-présence du siècle des Lumières. La réflexion sur la célébrité (voir p. 37) et sur la médiatisation par exemple (la place des pamphlets et des factums, voir p. 80, femmes et stars, p. 107), soit une forme d’hommage aux travaux d’Antoine Lilti ou de Sarah Maza.

Le conducteur de la bande dessinée : une espèce de road trip, qui nous conduit du Jura à Ermenonville (dans l’Oise aujourd’hui), dernière résidence et lieu d’inhumation de Jean-Jacques Rousseau, en passant par Lyon, Marseille, Toulouse ou encore Bordeaux. A la recherche des manuscrits des Confessions (on possède trois manuscrits des Confessions, celui de Neuchâtel, celui de Paris, remis par Thérèse Levasseur, veuve de Rousseau, à la Convention en 1794 et aujourd’hui conservé à la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, et celui de Genève ; le texte, qui raconte la vie de Rousseau jusqu’en 1765, est édité pour la première fois en 1782 puis en 1789). Le choix des livres et des libraires. La STN et Panckoucke. Chez Duplain (à Lyon, p. 33), chez Mossy (à Marseille, p. 67), avec Laporte et Resplandy (à Toulouse, p. 79), chez Bergeret (à Bordeaux, p. 88), un colporteur et son fournisseur (Malherbe, à Loudun, p. 95). Voir le top ventes des livres, p. 17.

Virgule

La bande dessinée joue aussi sur l’écart entre passé, présent et futur. A partir de 1778, on se déploie dans le passé, régulièrement convoqué (par exemple, évocation de la peste à Marseille, p. 60), et on se projette aussi dans le futur. Un moment-clé dans la bande dessinée : l’apparition de Voltaire et de Rousseau, tous deux morts récemment (le 30 mai, pour Voltaire, né en 1694, le 2 juillet 1778, pour Rousseau, né en 1712, Favarger commence son voyage le 5 juillet). C’est Voltaire qui, transformé en Voldorac, permet de se transporter à Paris en 2023 (à l’occasion d’une mémorable visite du Panthéon). Deux savoureuses doubles pages sur la vision des Lumières aujourd’hui, entre vision idyllique (p. 48-49) et face sombre (p. 50-51). Le monde de demain aussi (à la fin de la bande dessinée, à travers le regard de Louis-Sébastien Mercier de L’An 2440).

Le traitement graphique de ces écarts et de l’alternance entre narration et tableaux ou points de situation (exemples des tableaux : la brochure de l’AGMP, l’agence gouvernementale des Menus-Plaisirs, au début de la bande dessinée, soit un tableau du royaume dans la seconde moitié du siècle ; l’agronomie, la physiocratie et ce qu’elle met en débat, p. 96 et s.)

Des personnages attachants, connus ou moins connus. Voltaire, Rousseau, Beaumarchais, etc. Mais aussi Casimir Fidèle, esclave affranchi vivant à Bordeaux, p. 83 et s., ou encore Jacques-Louis Ménétra, compagnon vitrier dont le Journal de ma vie a été édité par Daniel Roche (p. 100).

De la bande dessinée au travail de recherche. Quelles circulations ? Voir notamment les pages de mise au point de la deuxième partie du livre.

Les chemins d’histoire de nos invités.

Un compte rendu

Voir le compte rendu proposé par Paul Chopelin, texte publié le 5 octobre 2023.

Planche de la bande dessinée évoquant l’historien étatsunien Robert Darnton et ses travaux