Emission 160 : Miracles de l’an mil, avec Dominique Barthélemy

Cent soixantième numéro de Chemins d’histoire, premier de la cinquième saison

Émission diffusée le vendredi 8 septembre 2023

L’invité : Dominique Barthélemy, membre de l’Institut, professeur émérite à Sorbonne-Université, directeur d’études émérite à l’Ecole pratique des hautes études, auteur de Miracles de l’an mil, Armand Colin, 2023.

Le thème : Miracles de l’an mil

Le canevas de l’émission

L’an mil, un moment historique qui s’étend sur trois générations, entre 970 et 1050 environ. La graphie « mil », héritée du XVIe siècle, qui maintient en arrière-plan la réputation d’étrangeté, inquiétante et fascinante à la fois, de cette époque. Un tronçon d’une époque plus large qui occupe Dominique Barthélemy depuis très longtemps : la société postcarolongienne, entre fin IXe et début XIIe siècle (voir notamment le livre publié en 2004, repris et élargi ici, Chevaliers et miracles. La violence et le sacré dans la société, Armand Colin). Quelques balises temporelles. Le début du XIe siècle serait une époque sombre, sans institution judiciaire digne de ce nom, sans ordre public, sans stabilité sociale, pour une France divisée, hérissée de châteaux, en proie de ce fait aux guerres féodales et aux seigneurs. Dans une forme d’attente de la fin des temps (sans doute visible dans les Histoires de Raoul Glaber). Tout ce récit national, toute cette mythologie nationale ont été balayés, d’abord par l’école méthodique. Mais les divergences historiographiques demeurent, autour de la fameuse « mutation de l’an mil ». La controverse hier (La mutation de l’an mil a-t-elle eu lieu ? Servage et chevalerie dans la France des Xe et XIe siècles, Fayard, 1997), le débat avec Pierre Bonnassie (1932-2005). La controverse aujourd’hui.

La place des miracles. De l’intérêt des récits de miracles. Utiliser « tout sauf le miracle » (Fustel de Coulanges). De l’intérêt de la fonction du miracle elle-même. De l’intérêt des textes.

Les neuf livres des Miracles de saint Benoît, qui s’échelonnent entre le milieu du XIe et le début du XIIe siècle. Cinq auteurs principaux, moines de Fleury (auj. Saint-Benoît-sur-Loire, dans le Loiret, à quelque 40 km au SE d’Orléans) : Adrevald, Aimoin, André, Raoul Tortaire ou Le Tourtier et Hugues, sans compter trois renforts occasionnels. Voir l’édition proposée par Anselme David, Annie Dufour et Gillette Labory. Les Miracles relatent les miracles survenus auprès des reliques de saint Benoît (saint Benoît de Nursie, né vers 480, fondateur de la règle de saint Benoît et de l’ordre des Bénédictins) tant à Fleury qu’en différents lieux qui dépendent du monastère. Ces reliques qui reposaient au Mont Cassin, ont été déposées à Fleury au VIIe siècle. Structure et intérêt des Miracles. Les guérisons de possédés ou de démoniaques dans les Miracles. Lecture d’un récit d’André de Fleury (p. 44, une jeune fille de Saint-Benoît-du-Sault, dans l’Indre, au sud d’Argenton-sur-Creuse). Deuxième exemple : miracle de vengeance. Lecture, p. 52-53 (avait concédé à Herbert). Analyse de cet extrait du livre d’Aimoin. Les miracles de vengeance de datent pas de l’an mil. Comment les analyser ? Que disent-ils de la société et de ses évolutions ? Ce que dit la « vieille école » (p. 13, 14 et s.), ce que dit Dominique Barthélemy. L’impression de désordre et de violence est à relativiser. La voix des chevaliers, la voix des serfs dans les Miracles de saint Benoît. Les évolutions au fil des livres des Miracles. Les miracles dans le livre de Raoul Le Tourtier.

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Autre recueil de miracles, particulièrement étoffé, celui de sainte Foy de Conques (la Passion latine de sainte Foy date du IXe siècle, dès 960, une foule se presse au monastère de Conques pour passer la nuit auprès de ses reliques ; hagiographie datée de 1010 environ et signée Bernard d’Angers, continuée plus tard par un anonyme ; Conques, aujourd’hui Conques-en-Rouergue, dans l’Aveyron). Les petits miracles ou les « jeux de sainte Foy ». De quoi s’agit-il ? Le miracle du faucon (lecture, p. 154-155). Analyse et interprétations (voir p. 157 : « L’imprudence de Géraud de Villiers, que son snobisme de hobereau ou sa passion de chasseur ont jeté dans les griffes d’un méchant seigneur (le comte de Rouergue en personne), et d’autres mésaventures de lui-même ou de se ses semblables, ne suffisent pas à faire une crise sociale »). Les évacuations miraculeuses dans le Livre des miracles de Bernard d’Angers. Quelle signification ?

Autour des Miracles de saint Vivien (évêque de Saintes au Ve siècle, voir le travail de Sébastien Fray). Ces miracles documentent trois conciles de paix en consacrant 11 chapitres sur 29 aux miracles qui émaillent les cheminements en cortège vers eux et à leur déroulement. Miracle sur la route du concile de Limoges. Lecture p. 198-199. Interprétation. Les miracles et le mouvement de la paix de Dieu (voir la p. 203).

Miracles nouveaux et mutations à partir de 1100. Les miracles de régulation sociale et les reliques de saints morts ont entamé leur déclin. L’Eglise renonce à ces déplacements des corps saints dans leurs châsses et statues. Les nouveautés de l’an 1100 (apposable et opposable à « l’an mil » et qui pourrait s’étendre de 1070 à 1150, essor des villes et des communes urbaines, invention des tournois, mutation chevaleresque, réforme grégorienne, renforcement du roi et des princes, croisade, etc.).

Conclusion.

Statue reliquaire de Sainte Foy, conservée à l’abbaye de Conques