Cent cinquante-sixième numéro de Chemins d’histoire, trente-sixième numéro de la quatrième saison
Émission diffusée le dimanche 9 juillet 2023
L’invité : Martin Wrede, professeur à l’université Grenoble-Alpes, directeur du dossier consacré à la guerre de Trente Ans, dossier proposé par la revue XVIIe siècle, n° 299, avril 2023.
Le thème : La guerre de Trente Ans, un bilan historiographique
Le canevas de l’émission
La guerre de Trente Ans dans les grandes lignes. Eléments de chronologie. L’événement : le 23 mai 1618, la Défénestration de Prague (« les États de Bohême, majoritairement protestants, se rebellèrent contre l’autorité de leur empereur et roi, précipitèrent par la fenêtre du château de Prague ses gouverneurs et, par la suite, se cherchèrent un nouveau roi qu’ils trouvèrent en la personne de l’électeur palatin [élu roi de Bohême en août 1619], le très calviniste Frédéric V »). L’appareil de la Ligue catholique se met en marche. 8 novembre 1620 : bataille de la Montagne Blanche, près de Prague, les forces impériales et bavaroises battent l’armée palatine (Frédéric V s’enfuit de Prague). Ferdinand II, empereur du Saint-Empire et « roi des romains » depuis août 1619, est de nouveau reconnu comme roi par les Etats de Bohême. Guerre de Bohême : un prélude. « Pendant trois décennies d’autres puissances allaient épouser la cause de l’électeur-roi déchu, du protestantisme allemand et/ou de la liberté des États, que l’on considérait menacés par l’autorité impériale et la puissance des Habsbourg, notamment de leur branche espagnole. En ordre chronologique, ce furent le Danemark, la Suède, finalement la France [on parle parfois de période danoise, 1625-1629, avec l’intervention de Christian IV de Danemark, de période suédoise, avec Gustave II, mort lors de la bataille de Lützen, en novembre 1623, de période française à partir de 1635 et de la guerre avec l’Espagne]. Et il ne faut pas oublier, à leurs côtés ou derrière eux, la République des Provinces-Unies. » Les traités de Westphalie concluent la guerre de Trente Ans et simultanément la guerre de 80 Ans, à Osnabrück (entre le Saint-Empire, la Suède et les puissances protestantes) et à Münster (entre l’Empire, la France et les autres puissances catholiques). Consolidation du Saint-Empire comme construction politique. En deçà de 1618 et au-delà de 1648 ? La question des origines. Une guerre matricielle ? La guerre de Trente Ans, ses mémoires, la manière dont elle est nommée.
L’historiographie récente et ses apports. Johannes Burkhardt, Georg Schmidt, Esther-Beate Körber. Tradition de recherche en France. Claire Gantet, Indravati Félicité. Synthèse de Martin Wrede en 2021 (La Guerre de Trente Ans. Le premier conflit européen, Armand Colin).
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La dimension religieuse du conflit. Cela paraît évident. Mais il convient de rendre au fait religieux sa juste place dans le conflit. Le religieux reste au cœur de la décision politique. Voir l’action de Richelieu, qui s’allie bien aux luthériens suédois voire aux calvinistes néerlandais ou allemands… mais toujours au nom de la « vraie foi ». L’Espagne ne mènerait pas une politique catholique mais une politique d’hégémonie européenne. Voir l’article d’Yves Krumenacker, qui insiste sur l’atmosphère eschatologique qui règne en Bohême et ailleurs ou sur les lectures religieuses qu’on fait de la guerre et des événements qui y surviennent (voir par exemple les sermons des pasteurs français dans la seconde moitié des années 1630 et durant la décennie suivante). Le facteur religieux doit être pris en compte même si la guerre de Trente Ans ne peut être réduite à une guerre de religions.
Les échelles du conflit (voir l’article de Martin Wrede dans la revue XVIIe siècle). A quelles échelles appréhender le conflit ? A l’échelle allemande, à l’échelle du SE, à l’échelle européenne bien entendu mais aussi à l’échelle mondiale ? Un exemple : faut-il comprendre le Congo et ses voisins comme des participants à la guerre de Trente Ans, comme le suggère par exemple l’historien John Thornton ? Les rois du Congo – et la fameuse Ana Nzinga – sont plutôt associés au conflit. Explications (alliances entre les Congolais et les Néerlandais). Autre exemple : interdiction par le shogun Tokugawa Iemitsu du commerce des Portugais (mais confirmation de celui des Hollandais) en 1639, avec de graves conséquences financières pour Lisbonne, la mise en cause de l’Union ibérique (union des couronnes depuis 1580) et révolte de décembre 1640 (défénestration du premier ministre de la vice-reine de Philippe IV) et affaiblissement espagnol à terme. Il paraît donc intéressant de poser la question de savoir dans quelle mesure le contexte atlantique ou mondial pèse sur le conflit européen. Des perspectives mondiales connues ou accessibles des contemporains (voir périodiques). Des interférences entre l’Europe et le monde mises en textes et en images.
De l’importance des images pendant la Guerre de Trente Ans. Voir la contribution de Claire Gantet et de Peter Wilson sur les images des batailles de la guerre de Trente Ans (trois exemples, batailles de la Montagne Blanche, 1620, de Tuttlingen, 1643, défaite française, et d’Alerheim, 1645, victoire française). Une mémoire s’est développée dès les événements, mémoire polysémique et conflictuelle. De la circulation des textes. Les récits personnels étudiés par Philippe Martin (Lorraine, récits en français, en allemand). Des écrits du malheur (écritures de l’urgence, chroniques et journaux, écrits plus soignés et romans). Productivité intellectuelle. La guerre de Trente Ans, matrice du malheur. La légende du fossoyeur de Leipzig (d’après un opuscule publié en 1632 et analysé par Indrivati Félicité, texte dont la première partie s’intitule « Récit de la présence du sieur général Tilly [chef des armées de la Ligue catholique] dans la maison du fossoyeur [durant le siège de Leipzig, seconde moitié de 1631], de ce qu’il y a fait et du présage que cela a constitué [l’annonce de la mort de Tilly, finalement survenue en 1632] »).
Epilogue.
