Emission 151 : Une histoire de la liberté, l’émancipation entravée au XXe siècle, avec Michèle Riot-Sarcey

Cent cinquante et unième numéro de Chemins d’histoire, trente et unième numéro de la quatrième saison

Émission diffusée le dimanche 7 mai 2023

L’invitée Michèle Riot-Sarcey, professeure émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris 8-Saint-Denis, autrice de L’Emancipation entravée. L’idéal au risque des idéologies du XXe siècle, La Découverte, 2023.

Le thème : Une histoire de la liberté, l’émancipation entravée au XXe siècle

Le canevas de l’émission

Le projet d’une livre. Une histoire au long cours de la liberté, de ses chemins et de toutes ses potentialités et aussi des dispositifs d’entrave au pouvoir d’agir des individus. L’articulation entre le livre paru en 2016 (réédition en poche en 2023) et celui qui paraît cette année. En 2016 : explorer tout ce qui a contribué au XIXe siècle à bâillonner l’aspiration à la « vraie liberté ». En 2023 : poursuivre l’entreprise et déplacer le regard en interrogeant le XXe siècle depuis le XIXe siècle. Explications. Comment la liberté a perdu son sens émancipateur si ce n’est à travers quelques surgissements dans l’expérience émancipatrice de ceux qui non seulement agissent mais pensent l’acte libre. De quoi s’agit-il lorsqu’on parle d’expériences émancipatrices ? Révoltes populaires et communautés autogérées ? Histoire d’une décomposition (p. 7), d’un enfermement dans des discours idéologiques. Les idéologies (au sens de Marx, un discours qui impose une représentation déformée du réel et court-circuite la lucidité critique des individus sur leur expérience réelle de l’ordre social), quelles idéologies ? Les idéologies « libératrices ». Libéralisme, communisme. L’idéologie structuraliste a aussi une grande part dans l’ouvrage.

Une « histoire occultée » construite à partir de quelles sources ? Une histoire engagée ? Proposer une histoire au-delà de son champ habituel de compétences (histoire des femmes et du féminisme au XIXe siècle, histoire des utopies), est-ce difficile ?

Retour sur le XIXe siècle. De l’utopie à l’idéologie. La place de l’affaire Dreyfus. La République qui a toléré, « au-delà de l’imaginable », le déchaînement des détestations et de l’antisémitisme. Le sentiment d’une République finalement « blanchie » s’est propagé. Personnalité mise en avant : lieutenant général Picquart dont l’antisémitisme pose question. Figure de Bernard Lazare, auteur de La Vérité sur l’affaire Dreyfus, une erreur judiciaire, est pourtant fondamentale. Voir ce qu’en dit Hannah Arendt (p. 62). Au nom de la cause de la République renaissante, on a tu certaines choses, on a minimisé certaines attitudes, notamment le comportement des socialistes et de Jaurès. L’idéologie républicaine s’est construite sur des rejets, des non-dits, des imposés, dont la république moderne est comptable. Quelle en est la nature ? La place de Zola et des « intellectuels ». La IIe Internationale (congrès de 1889) et l’idéologie avant-gardiste. Le glissement progressif vers l’éviction de l’idée d’émancipation des travailleurs au profit des stratégies socialistes de chaque parti. Voir par exemple ce que dit le congrès de Paris en 1900. L’idéologie nationale voire nationaliste s’empare bientôt des esprits (voir p. 100), le patriotisme l’emporte pendant la Première Guerre mondiale.

Virgule

L’irrésistible ascension des idéologies. Les années 1920 et ce qu’elles signifient. Les professionnels de la révolution prennent le pas. La construction mythologique de l’idéologie soviétique. Pourquoi revenir à la pensée de Georges Sorel ? Le mythe bolchévique et son fonctionnement. Dans l’idéologie soviétique, le parti est la tête du corps ouvrier. Pour maintenir l’ordre et la cohésion de la société, il utilise la répression, la surveillance, mais aussi et surtout la propagande : pour faire accepter sa légitimité, l’État soviétique fabrique des mythes. Il se glorifie dans des images spectaculaires qui monopolisent l’imagination ouvrière. Il rassemble les masses en focalisant la colère sur un ennemi commun : le bourgeois. Le film Le cuirassé Potemkine (1925) est un exemple de ce type de spectacle. Idéologie soviétique et rempart contre le fascisme. Qu’est-ce qui est fabriqué ainsi ? Surgissements et étouffement : le Front Populaire.

Le triomphe des idéologies après 1945. L’idéologie marchande (avec des résistances). Structure et structuralisme, de la science à l’idéologie. Le marxisme structuraliste est une idéologie qui détourne de l’analyse réelle des conflits sociaux en mettant en valeur une théorie abstraite qui considère les ouvriers comme des êtres subissant une domination structurelle sur laquelle ils n’ont aucune prise.

Le réveil de l’émancipation dans les années 1960. La question de la décolonisation et de la critique de l’impérialisme. Dans les années 1968, la lutte contre la guerre du Vietnam favorise la radicalisation de ces revendications. Mai 1968.

L’espoir d’une démocratie réelle remonte régulièrement à la surface pour prendre une bouffée d’air… L’exemple des Gilets Jaunes.

Portrait de Bernard Lazare (1865-1903), l’un des premiers dreyfusards