Cent-quarante-cinquième numéro de Chemins d’histoire, vingt-cinquième numéro de la quatrième saison
Émission diffusée le dimanche 12 mars 2023
L’invité : Didier Guignard, chargé de recherche au CNRS, auteur, chez CNRS éditions, de 1871. L’Algérie sous séquestre. Une coupe dans le corps social (XIXe-XXe siècle).
Le thème : 1871, l’Algérie sous séquestre
Le canevas de l’émission
Rappel. Contexte. La révolte de Mokrani, appelée aussi insurrection de 1871 : la plus importante insurrection contre les forces coloniales françaises depuis la conquête d’Alger, en 1830. Lancée à la mi-mars 1871 (a lieu au même moment que la Commune de Paris). Révolte menée depuis la Kabylie. Après la défaite militaire contre la Prusse, aux tous débuts de la IIIe République. Révolte réprimée dans les semaines et les mois qui suivent. Jugements, emprisonnements, déportations à Cayenne et en Nouvelle Calédonie. Et puis contributions de guerre.
Le séquestre. Procédure de séquestre existe en Algérie depuis les années 1830-1840. Que signifie le terme de séquestre ? Ce n’est pas une confiscation mais une mainmise conservatoire de l’Etat sur des biens qu’il gère pour une période limité à la place des propriétaires. La mainlevée vient clôturer la période de séquestre proprement dite pour aboutir soit à la remise des biens aux propriétaires innocentés, soit à leur rattachement définitif aux Domaines. Dans ce dernier cas, le chef de l’Etat est le dernier recours. Cadre général modifié en 1871 (décision et dispositif). Modifications apportées au séquestre nominatif. Possibilité nouvelle du séquestre collectif. Des effets du séquestre qui dépendent de trois facteurs : le degré de responsabilité attribué dans la révolte, la valeur estimée des biens et leur emplacement. Liens entre le séquestre des années 1870 et la colonisation foncière, des liens essentiels mais à nuancer.
Les historiens et le séquestre. Une histoire qui remonte à la fin du XIXe siècle (responsables civils et militaires). Une période de silence. L’approche macroscopique dans le contexte de la décolonisation. André Nouschi (1922-2017). Charles-Robert Ageron (1923-2008). Des historiens algériens. Depuis les années 1970, le séquestre comme lieu de mémoire. Propositions fécondes.
Quelle est l’approche choisie par Didier Guignard ? D’une approche macrodescendante à une approche micro, à partir d’un laboratoire, la petite région kabyle des Issers, en étant actif à l’univers des « subalternes » et à leur résilience. Le séquestre, un lieu d’observation privilégié, au sens anthropologique du terme, que l’historien peut mettre à profit du fait de l’intense production documentaire liée à son application comme à partir de sources déconnectées du moment répressif. Une approche très scalaire, qui nous mène jusqu’en Nouvelle-Zélande.
Virgule
Quelques aspects du travail de Didier Guignard (1). En amont de l’insurrection et de la répression. Comprendre une imbrication des droits fonciers en resserrant la focale sur la partie nord du bassin versant de l’Isser. Modalités et effets de la répression. Arrêtés de séquestre rapidement pris. Mais il faut du temps aux commissaires pour vérifier les responsabilités sur place puis pour mettre en cartes et en équations les ressources à confisquer, celles à offrir en compensation. Les premiers colons arrivent avant que les autochtones n’aient quitté les lieux. De multiples failles du séquestre dans lesquelles s’engouffrent les dépossédés.
(2). Quelle résistance des dépossédés ? « Le responsable de l’impasse dans laquelle ils se trouvent, comme l’interlocuteur privilégié pour en sortir, se confondent, prenant tour à tour les traits de l’autorité administrative qui décide, du colon qui s’installe, du voisin ou du parent algérien en concurrence directe » (p. 185). Quelle résistance… et quelle mémoire ? Autour du drame d’Isserville, en 1890.
La « coupe », comme concentré métaphorique de la démarche et des résultats de Didier Guignard.
Les chemins d’historien de Didier Guignard.
