Cent-quarante-deuxième numéro de Chemins d’histoire, vingt-deuxième numéro de la quatrième saison
Émission diffusée le mardi 21 février 2023
L’invité : Côme Simien, maître de conférences à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne, auteur de Le Maître d’école au temps des Lumières et de la Révolution, éditions du CTHS, 2023.
Le thème : Le maître d’école au village, entre Lumières et Révolution
Le canevas de l’émission
Revenir aux sources de la thèse et de la démarche. D’abord, « l’enracinement personnel des questions historiques » (Antoine Prost). Famille d’enseignants, en particulier le grand-père du Beaujolais. Ensuite, le point de départ qui s’impose très vite à Côme Simien. Le projet scolaire a échoué à se concrétiser sur le terrain. C’est « l’énigme » (p. 10) qui porte la démarche (« la force motrice de mes recherches »). « Comment comprendre la victoire des écoles privées et l’insuccès des écoles publiques à l’heure des première aventures républicaines ? » Constat partagé par les historiens. L’historiographie a proposé des clefs d’explication. L’école privée, autorisée à partir de l’an III, aurait été le refuge de la religion, voire des opinions contre-révolutionnaires, et c’est cela qui aurait le gage de son succès (Albert Babeau). Idée reprise par François Furet et Jacques Ozouf dans leur livre fameux, Lire et écrire. L’alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, 1977. Idée battue en brèche par un article (descriptif et qui ne présente pas vraiment de modèle explicatif), article signé Emet Kennedy et Marie-Laurence Netter (article paru en 1981) et qui montre que les instituteurs des écoles privés n’étaient pas forcément anti-républicains. Des pistes sont suggérées par la thèse soutenue par Hans-Christian Harten (livre en allemand publié en 1990). Il faut s’intéresser au monde rural pour « débrouiller l’énigme scolaire ». Mais avec quelle approche ? S’intéresser à l’école et aux instituteurs comme lieux d’interaction sociale. S’intéresser aux enjeux collectifs noués autour de la présence des instituteurs au village. Sortir l’étude de l’école révolutionnaire des seuls murs de la salle de classe. Associer deux types d’historiographie restés disjoints (l’histoire scolaire et l’histoire des communautés rurales). Décentrement du regard. Mais aussi décentrement chronologique. Remonter jusqu’aux années 1750-1760. Jusqu’en 1802 (loi Fourcroy). Quel corpus documentaire ? « Chercher les maîtres » mais où (dans quels dépôts d’archives et avec quels documents ?) ? Echantillon retenu constitué par les départements de la Somme, du Bas-Rhin, de la Côte-d’Or, du Rhône, de la Drôme, du Puy-de-Dôme, du Tarn, des Pyrénées-Atlantiques, de la Vendée, de l’Eure-et-Loir et du Finistère. Pour quel espace (délimitation villes / campagnes) ? Des hommes et peu de femmes.
Virgule
Quelques aspects du travail (1). Il y a bien un effort à la fois des autorités épiscopales et des intendants pour s’assurer une forme de contrôle sur les écoles. Mais les maîtres d’école se laissent d’abord définir par leur insertion profonde dans la vie des communautés locales. Les maîtres d’école, intégrés au champ des coutumes villageoises, apparaissent comme des « créatures » des communautés d’habitants. Explications. Au service des communautés d’habitants. Pluriactivité mais qui ne rend pas les maîtres d’école plus « considérables » dans le tissu social (voir ce qu’en disent les maîtres d’école des campagnes châlonnaises en 1789, extrait cité p. 119 et lu au cours de l’émission). Cadre contraignant, cadre traditionnel, qui empêche ou qui contraint les innovations pédagogiques. Portrait de groupe des maîtres d’école à la veille de la Révolution française. Quel profil ? Quelle formation ? Qui sont les maîtres ? Voir p. 235 et s.
Quelques aspects du travail (2). Vide législatif sur l’école jusqu’à la loi Bouquier, en date du 19 décembre 1793. Les autorités de tutelle traditionnelles des petites écoles (évêques, intendants) disparaissent. Ne restent que les communautés d’habitants, lesquelles sont d’ailleurs renforcées par la loi du 14 décembre 1789. La loi Bouquier (qui fait de toutes les écoles de la République des écoles publiques et qui rend la scolarité obligatoire et gratuite pour les enfants de 6 à 8 ans) est la mieux appliquée des lois scolaires de la décennie révolutionnaire. Sphères d’action autonomes. Explications. Les choses changent à partir de la fin 1794. Lois scolaires Lakanal (an III, 17 novembre 1794) puis Daunou (an IV, 25 octobre 1795). A côté des écoles publiques peuvent exister des écoles privées (« La loi ne peut porter aucune atteinte au droit qu’ont les citoyens d’ouvrir des écoles particulières et libres, sous la surveillance des autorités constituées », article 15 de la loi Lakanal). Ces lois visent à arracher l’école publique de la sphère des compétences communales. L’école publique et le monde rural : une rencontre qui n’a pas lieu, à quelques exceptions près. A contrario, l’école privée, qui échappe à la centralisation départementale, permet de perpétuer les pratiques locales. L’appropriation de la fonction d’instituteur privé. Une institution publique d’échelle communale. La Révolution ne permet pas, du moins dans le monde rural, de révolutionner la manière de transmettre les connaissances élémentaires aux élèves. Les instituteurs continuent d’y déployer ce que les républicains nommeront, avec amertume, « l’antique routine » pédagogique, profondément inscrite dans le champ des usages traditionnels des communautés rurales. Principes anciens et connaissances révolutionnées (voir les enquêtes de 1798-1799 et de 1802).
Epilogue. Les chemins d’histoire de Côme Simien.
