Cent-trente-quatrième numéro de Chemins d’histoire, quatorzième numéro de la quatrième saison
Émission diffusée le dimanche 4 décembre 2022
L’invitée : Corine Defrance, directrice de recherche au CNRS, autrice de Françoise Frenkel. Portrait d’une inconnue, Gallimard, « L’Arbalète », 2022.
Le thème : Françoise Frenkel (1889-1975), portrait d’une inconnue
Le canevas de l’émission
Françoise Frenkel, l’histoire d’une redécouverte. Réédition de Rien où poser sa tête, par les éditions Gallimard, avec une préface de Patrick Modiano, en 2015 (édition de poche en 2018). C’est… une découverte pour Corine Defrance. Les travaux antérieurs de Corine Defrance autour de la maison du Livre, librairie tenue par M. et Mme Raichinstein dans le Berlin de l’Entre-deux-guerres (voir par exemple cette publication de 2018). Françoise Frenkel n’est autre que Mme Raichinstein, même si elle n’évoque pas son mari dans Rien… Quelle enquête ? Quelles archives ? Quelle bibliographie ? Liste impressionnante de remerciements (p. 213-215). L’ouvrage de Corine Defrance paraît en même temps que Zone de la douleur. Inédits et textes retrouvés, Gallimard, « L’Arbalète », 2022).
Quelques moments dans le parcours de Françoise Frenkel (1), née Fryma Idesa (Frymetta) Frenkel, le 14 juillet 1889, à Piotrków, cité prospère de la partie polonaise de l’Empire russe, au sud de Lódz, avec une forte minorité de confession juive. Quelle famille ? Quel milieu social ? Les livres et la musique, quelle éducation ? Quelles langues parlées ? Polonais, yiddish, hébreu, etc. En Allemagne, en 1908 (Berlin, puis Leipzig). Rejoint en France celui qui deviendra son cousin germain et futur mari, Méchoulam Simon Raichinstein (né en 1889), sans doute au début de 1914 : études, mariage en 1920, semble-t-il. Frenkel se lance parallèlement dans une thèse sur « La vie et les mœurs juives d’après le romain polonais moderne ». Tapuscrit de 1921 a bien été retrouvé, intitulé « Le Juif dans la société polonaise vu à travers les annales historiques polonaises ». Quel est l’objet de la thèse (connue sous la forme d’un essai) ? Mettre en avant la solidarité polono-juive pour l’affranchissement commun, qu’est-ce à dire ? Sous-estime l’antisémitisme, a des mots durs sur la condition juive et cherche à défendre surtout l’assimilation dans la société polonaise. Plaidoyer assimilationniste qui a de sérieuses limites. Ses écrits pour la revue Foi et réveil.
(2). Libraire à Berlin. Pourquoi ? Comment ? Quand ? Les photographies de la librairie (1936 ?). Quels livres, quelle librairie, quelle clientèle ? Des conférences et des rencontres avec les auteurs. Apogée entre 1927 et 1931. Désillusions et déclin dès avant l’avènement du nazisme. Le départ du mari, sans doute neurasthénique, fin 1933. Frenkel reste jusqu’en août 1939.
Virgule
(3). Paris et l’exode vers le Sud. Nice. La grande rafle du 26 août 1942. Y échappe par miracle. Lecture, p. 86-87. Devient une survivante. Clandestinité. De refuge en refuge. Trois tentatives de fuite et une arrestation. En Suisse. Quelle vie en Suisse ? La rédaction de Rien où poser sa tête, achevée à l’automne 1944 (version en allemand existe, mais c’est la version en français qui paraîtra finalement à Genève, chez le libraire Jeheber, en 1945, petit succès en Suisse).
(4). La vie d’après. La famille disparue. Ecrire pour honorer les morts. Pour avoir survécu : un projet qui n’aboutit pas. Pourquoi ? Soif de justice et absence de pardon (voir par exemple une lettre adressée à Paul Lévy au sujet de l’écrivain Céline, à la fin des années 1940 (lecture, p. 162). Soif de justice et combat pour l’indemnisation (à Berlin, où elle revient en 1956). La solitude et le passé qui hante Françoise Frenkel. Le traumatisme, les morts, la mort. Voir p. 187. Solitude acariâtre et insomniaque (voir p. 189). Frenkel s’éteint à Nice, le 18 janvier 1975.
