Emission 132 : Métiers de rue à Paris en 1900

Cent-trente-deuxième numéro de Chemins d’histoire, douzième numéro de la quatrième saison

Émission diffusée le dimanche 20 novembre 2022

L’invitée : Juliette Rennes, sociologue, directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, autrice de Métiers de rue. Observer le travail et le genre à Paris en 1900, éditions de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, 2022.

Le thème : Métiers de rue à Paris en 1900

Le canevas de l’émission

Au départ de ce livre et comme un fil tissé tout au long de l’ouvrage et du projet qu’il recouvre, il y a une situation particulière, qui a suscité la curiosité et l’intérêt de l’autrice, celle des cochères. Les premières cochères investissent la profession, ce qui suscite entre la fin 1906 et la mi-1907 un écho médiatique considérable (dans la presse, via les cartes postales).

Femmes cochères, à Paris, au début du XXe siècle

« Déplier ce cas » et analyser plus largement la situation des travailleuses et travailleurs parisiens qui sont exposés au regard des passants, des reporters, des photographes, de la police. A travers les « petits métiers parisiens » (ensemble d’activités de vente, de service et d’artisanat, peu qualifiées et peu lucratives, exercées sur la voie publique). Quelques exemples. Hétérogénéité des « petits métiers ». Le peuple de rue menacé par la modernisation. Expression utilisée : « métiers de rue », plus large (y compris les activités les plus lucratives, dans le transport, le bâtiment, les arts de la rue). Métier de rue : toute forme possible d’activités rémunérées dont une partie significative du temps de travail se déroule dehors, que ce soit sur la chaussée, sur le trottoir, sur les quais ou sur les hauteurs des bâtiments, en plein vent ou de façon abritée, en y associant des activités qui se tiennent principalement dans un établissement mais qui supposent des déplacements (trottins).

Une enquête sur la visualité, les métiers de rue et leurs régimes de visibilité à Paris. Intérêt à la fois pour l’organisation genrée des activités sur la voie publique et sur la façon dont elles sont observées et mises en image. Une histoire visuelle, qu’est-ce à dire ? Images matérielles et images perceptuelles. La question du regard, la question du genre du regard (voir le cas des cochères encore).

Quelles sources ? Corpus iconographique : cartes postales et autres clichés photographiques. Centralité de la carte postale. Visées documentaires et non documentaires de ces images. Et les sources textuelles ? Articles, ouvrages, reportages, statistiques. Des points de vue différents.

Au total, un ouvrage rédigé par une sociologue et proposant une histoire du genre, une histoire sociale, une histoire urbaine, une histoire environnementale, etc. Voir la p. 35.

Virgule

Quelques aspects du livre (1). La mise en image des « métiers de rue » parisiens. La place des écrivains, des peintres, des reporters, des hommes (minorité de femmes, voir tout de même quelques femmes, 10 % des journalistes et publicistes parisiens en 1911). Des hommes qui donnent à voir les travailleurs de la construction, des travaux publics, du transport et de la livraison. Valorisation de l’effort masculin et de la virilité, pas toujours le reflet d’une position conservatrice, le corps en lutte avec la matière urbaine peut aussi symboliser une contestation de l’ordre social.

(2). Les femmes condamnées à la sédentarité et au-dedans ? Quelques femmes parviennent à se frayer un chemin étroit dans ces territoires masculins. L’exemple des cochères, celui des sportives. La vente ambulante ou sédentaire de produits comestibles, les métiers du recyclage et du nettoyage sont ouverts aux femmes mais impliquent des savoir-faire et des capacités physiques codées comme viriles. Voir la photographie, p. 193, la « marchande des quatre-saisons », 1906. La pénibilité physique sous le pittoresque (porteuses de pain, p. 201). Le cas des prostituées de rue : quelles représentations ? Pourquoi tenter d’analyser les pratiques professionnelles de ces dernières en les comparant à d’autres métiers qui exigent que l’on se donne à voir et que l’on racole les passants (camelots, crieurs de rue, bonisseurs et artistes forains) ?

(3). Parmi les chantiers posés dans le livre. Les femmes sous l’œil (représenté !) des suiveurs (typologie, suiveurs, vieux marcheurs, harceleurs de rue). Quelle perception des femmes vieilles dans la rue ? « Invisibles ou trop visibles, les vieilles travailleuses ». Invisibles et trop visibles à la fois (quand on les regarde, p. 300). Quel Paris féministe de rue se dessine-t-il, entre avancées et luttes sociales d’une part et instrumentalisation et usages marchands d’autre part ?

Un compte rendu

Le livre de Juliette Rennes a été recensé par Yannick Ripa pour le compte de Libération (décembre 2022).

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