Emission 131 : Toulouse au XIVe siècle, avec Béatrice de Chancel-Bardelot

Cent-trente-et-unième numéro de Chemins d’histoire, onzième numéro de la quatrième saison

Émission diffusée le dimanche 13 novembre 2022

L’invitée : Béatrice de Chancel-Bardelot, conservatrice du patrimoine, commissaire, avec Charlotte Riou, de l’exposition présentée au musée de Cluny, musée national du Moyen Age, exposition intitulée « Toulouse, 1300-1400, l’éclat d’un gothique méridional » (octobre 2022-janvier 2023).

Le thème : Toulouse au XIVe siècle

Le canevas de l’émission

Genèse du projet. Le musée de Cluny-musée national du Moyen Age rénové. La première exposition depuis la réouverture après travaux, en mai 2022 (après plus d’un an et demi de fermeture). Le projet en partenariat avec le musée des Augustins de Toulouse (actuellement fermé pour des travaux). Pourquoi Toulouse ? Pourquoi Toulouse au XIVe siècle ? Un « centre artistique à redécouvrir ». Une exposition pensée depuis 2013. Que nous dit le titre de l’exposition ? Les couleurs, si présentes dans les enluminures, tout comme dans la sculpture ou la peinture monumentale, y sont suggérées par le mot « éclat », qui est en premier lieu celui des matières précieuses, argent ou ivoire poli, cristal de roche…

Quelques jalons ou balises temporelles. Sinistre réputation du XIVe siècle (Guerre de Cent Ans, Peste Noire). La crise épargne Toulouse et sa région jusque dans les années 1340. Combien d’habitants ? 35 000 vers 1335, 22 000 environ en fin de siècle. Une grande capitale régionale (les capitouls détiennent des pouvoirs importants, même si la ville est devenue ville royale (rattachée au royaume de France en 1271), siège d’une sénéchaussée installée au château Narbonnais). L’exposition présente des portraits capitulaires (on connaît 14 portraits capitulaires allant de 1352 à 1413, avec des fonds aux motifs variés, damiers, rinceaux, quadrillage divers, juxtaposés en patchwork). Une ville divisée en sept paroisses, organisée autour de bâtiments religieux (cathédrale – l’évêché de Toulouse est élevé au rang d’archevêché en 1317 -, établissements religieux anciens, Saint-Sernin, avec la translation des reliques de l’apôtre Jacques le Majeur, en 1385, monastère Sainte-Marie-la-Daurade, couvents mendiants et branches féminines du XIIIe siècle, en 1369, translation des reliques de saint Thomas d’Aquin au couvent des Jacobins de Toulouse, l’église des Jacobins est consacrée en 1385). Une ville qui voit se développer le faubourg Saint-Cyprien sur la rive gauche de la Garonne.

Premier temps de l’exposition. « Le cadre de vie à Toulouse au XIVe siècle ». Quel est l’objet de ce temps de l’exposition ? Regards sur la société toulousaine. Objets présentés conçus, fabriqués ou utilisés par les Toulousains, nés dans la ville ou de passage, du plus fastueux au plus simple. Evidemment, les plus humbles laissent peu de traces matérielles. On voit notamment des sceaux (exemple du quatrième grand sceau de la ville de Toulouse, s.d., avec à l’avers le château Narbonnais et la basilique Saint-Sernin et au revers l’agneau pascal). Autre document présenté dans le catalogue : les statuts des parcheminiers de Toulouse, Archives départementales Haute-Garonne. Richesse et diversité des objets. Voir par exemple les closoirs peints de Lavaur, soit les closoirs provenant de l’ancien grenier du chapitre de la cathédrale de Lavaur démoli en 1936. Sept petits panneaux de bois peints, planchettes de bois qui fermaient les espaces entre les poutres principales et les solives du type de charpente de plancher le plus commun.

Virgule

Deuxième partie de l’exposition : « Naissance d’un style toulousain ». Quelles sont les conditions de la création à Toulouse au XIVe siècle ? Le facteur décisif est l’installation des papes à Avignon, de 1309 à 1378. Les pontifes s’entourent d’une cour et d’un collège cardinalice composé de méridionaux. Prolongement avec le Grand Schisme entre 1378 et 1417. L’université est l’autre atout majeur de Toulouse (fournit l’essentiel des gradués de la Curie, creuset intellectuel). De l’importance des circulations, Toulouse comme carrefour. Exemple : le triptyque dit de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn). Présentation et analyse (les objets de petite taille ont été des supports privilégiés de transmission de l’esthétique gothique de l’Île-de-France dans la région de Toulouse, à une époque où œuvres et hommes se déplaçaient plus qu’on ne l’imagine aujourd’hui). Peut-on parler d’un style toulousain et en quoi consiste-t-il ? Sculpture. Au cœur de l’exposition : le cycle sculpté de la chapelle de Jean Tissendier, évêque de Rieux. Jean Tissendier (mort en 1347), frère mineur nommé évêque de Rieux par le pape Jean XXII en 1324, a été le bibliothécaire de ce dernier à Avignon jusqu’en 1333. Il n’a peut-être pas attendu cette date pour lancer la construction de la chapelle qui porte son nom, à l’extrémité sud-est du chevet de l’église des Cordeliers de Toulouse. Consacrée par Tissendier lui-même en 1343, la chapelle dédiée à la Vierge était vaste (environ 30 mètres de long par 16 mètres de large), dotée d’une abside pentagonale et de quatre travées. Elle a été détruite en 1804, mais les sculptures ont été sauvées, grâce à la diligence du conservateur du musée des Augustins, Jean-Paul Lucas. Qui est le maître de Rieux ? Comment caractériser son art ? Voir le saint Paul et le saint François d’Assise. Sculpture en bois évoquée également. Peinture et architecture. Les chantiers d’envergure. Exemple du couvent des Carmes.

Troisième partie de l’exposition : Toulouse au cœur des échanges, un foyer de diffusion artistique majeur. Présentation d’œuvres d’orfèvrerie exceptionnelle. L’art du livre, « au plus haut niveau », dit Emilie Nadal. Quelques marqueurs stylistiques et iconographiques : décor marginal peuplé de créatures typiques, têtes d’échassier au long bec ou grosses têtes humaines, distinguées par un cou allongé dessinant des ondes ou des entrelacs, dont l’origine orléanaise vient d’être montrée par François Avril ; fonds en patchwork, grand quadrillage coloré et doré, bandes horizontales, verticales ou diagonales qui attirent l’œil vers l’arrière-plan des miniatures. Exemple du missel de Bernard Galinier à l’usage des ermites de saint Augustin. Un art reconnu. Des échanges entre Toulouse et les royaumes pyrénéens, par exemple. Voir le panneau de la Crucifixion de la cathédrale de Pampelune, 1310. Un peintre toulousain en Navarre, Juan Olivier.

Ressources complémentaires

On peut regarder une vidéo proposée par le site scribeaccroupi.fr (décembre 2022, avec Béatrice de Chancel-Bardelot). On peut lire un entretien donné par Virginie Czerniak, maîtresse de conférences en histoire de l’art et impliquée dans le projet de l’exposition, entretien publié sur le site de l’université Toulouse-Jean-Jaurès.

Enluminures et décors du ms. 91 de la Bibliothèque de Toulouse, missel de Bernard Galinier, fol. 2v (jeune homme aux fleurs), 3v (fenaison), 5 (vendange), 90v (boeuf de saint Luc), 121 (Trinité), 139 (Pentecôte), 256 (office funèbre)

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