Emission 129 : Exils portugais au XXe siècle, avec Victor Pereira

Cent-vingt-neuvième numéro de Chemins d’histoire, neuvième numéro de la quatrième saison

Émission diffusée le dimanche 30 octobre 2022

L’invité : Victor Pereira, chercheur auprès de l’Institut d’histoire contemporaine (Université nouvelle de Lisbonne), préfacier de Exils. Témoignages d’exilés et de déserteurs portugais, Chandeigne, 2022.

Le thème : Exils portugais au XXe siècle

Le canevas de l’émission

Le projet. Textes réunis dans l’ouvrage sont extraits de deux volumes publiés en portugais par les soins de l’Association des exilés politiques portugais (AEP61-74), en 2016-2017 (un troisième volume paraît en 2022), dans une traduction d’Ilda Nunes, avec le soutien de l’association Mémoire vive. Le premier texte, signé Jorge Valadas, a un statut particulier (paru initialement dans Mapa, journal d’information critique portugais, en janvier 2017). Dix témoignages signés par des hommes, trois par des femmes. Ces témoignages concernent des hommes qui ont fui les guerres coloniales et la dictature salazariste. Le refus de la guerre est au cœur de ces récits. Des récits qui font surface tardivement ? L’association AEP61-74 a été créée en 2015. L’association Mémoire vive / Memoria viva, créée en 2003. Voir aussi le projet ECOS (2019-2022), projet « Exils. Contrecarrer le silence ».

Le contexte des années 1961-1974. Antonio de Oliveira Salazar, au pouvoir depuis 1932. L’empire colonial portugais après la Seconde Guerre mondiale (essentiellement en Afrique, avec aussi le Timor portugais). Contestation armée, à partir de 1961 (Angola), qui s’étend par la suite (Guinée-Bissau, 1963, Mozambique, 1964). « Opérations de maintien de l’ordre ». A partir de 1968, le service militaire dure quatre ans, deux ans de formation puis deux ans dans l’une des colonies. L’empire fait partie de l’identité portugaise, au-delà de la propagande salazariste (voir la Constitution de 1933, il « est de l’essence organique de la Nation portugaise d’exercer la fonction historique de posséder et de coloniser des domaines outre-mer et de civiliser les populations qui y résident », assertion partagée encore par beaucoup au début des années 1960).

Se soustraire à l’armée ou déserter n’est pas anodin. Pourtant, en dépit de cette histoire longue et des peines qu’encourent les contrevenants, on observe une croissance continue du volume de jeunes hommes (quel âge ?) qui ne font pas leur service militaire. Entre 1961 et 1973, plus de 8 000 déserteurs dans l’armée (p. 23) ; près de 200 000 jeunes auraient abandonné le pays pour ne pas faire leur service militaire (20 % des potentielles recrues au début des années 1970). Voir les travaux de Miguel Cardina ou de Suzanna Martins.

Quelle destination ? La France accueille le plus fort contingent d’insoumis, de réfractaires et de déserteurs. Dans quel cadre et avec quel statut pour ces hommes venus du Portugal ? Les jeunes Portugais fuyant les guerres coloniales bénéficient de la politique d’immigration mise en œuvre par les autorités françaises. Soucieux d’obtenir une main-d’œuvre considérée comme indispensable à l’activité économique, comme assimilable dans une perspective démographique non exempte de postulats racistes et comme docile politiquement, le gouvernement français a largement toléré l’entrée irrégulière des migrants portugais. Mais les jeunes de moins de 21 ans ne bénéficient ni du statut de réfugié politique, ni de la condition des travailleurs immigrés. Autres destinations, avec parfois d’autres statuts pour les immigrés (cas de la Suède, voir le témoignage 4, Carlos Brazão Dinis, parti en 1972, qui rejoint Malmö, en passant par la France, « On dirait que les Suédois sont fiers d’être […] un havre de paix pour ceux qui sont persécutés ou qui fuient les dictatures », p. 59 ; Alberto Verissimo, témoignage 5, engagé dans la Marine de guerre portugaise en 1969, déserte en 1973, à Copenhague, finalement accueilli en Suède, « Nous savions que la Suède soutenait les déserteurs et les réfractaires », p. 63). Avec ce recueil, on voyage en Europe occidentale mais aussi en Algérie. On y rencontre de multiples individus et activistes anti-colonialistes. Une histoire marquée du sceau de l’internationalisme, ce sont les « années 1968 ».

Virgule

Itinéraires (1). Partir clandestinement, a salto. Faire le salto : passer la frontière clandestinement. Le contexte compte : la situation évolue entre 1961 à 1974 (de Salazar à Caetano). Vasco Martins (témoignage 2, part de Setubal), passe la frontière dans le camion d’un ami, avec un passeport, arrive à Irun puis à Hendaye. Reste finalement en France. António Barbosa Topa : départ en juillet 1969 (témoignage 7, Aveiro, au sud de Porto, avec Julio, deux déserteurs l’un de l’armée de Terre, l’autre de la Marine, partent, avec un passeur et avec une dizaine de migrants économiques ; passe la frontière du côté de Verin, Espagne, car puis train, Irun, difficulté avec la police française puis passage de la frontière et arrivée à la gare d’Austerlitz, hébergé par une amie, Helena Malho, rue d’Esquirol). Le rôle des passeurs. Voir le témoignage 11, témoignage de Maria Irene de Lima Martins, entre Portugal et France (Grenoble). Les témoignages photographiques (p. 79, photographie par Fernando Mariano Cardeira, 23 août 1970 ; en existe une autre avec six hommes faisant un bras d’honneur).

Itinéraires (2). Des itinéraires parfois complexes. Voir le témoignage 12, Manuel Valente Tavares, étudiant en médecine engagé, parcours qui conduit cet homme au Brésil (où vivent ses parents), en 1971 (voir, à ce sujet, cette page proposée par le site du Palais de la Porte-Dorée). Rejoint le Chili de Salvador Allende puis la France après le coup d’Etat de Pinochet. Le passage par l’Algérie est raconté par Ana Rita Gandara Gonçalves (témoignage 3 ; rejoint son ami parti a salto, à Paris, à l’été 1963, avant de gagner l’Algérie puis de revenir en France). Solidarités. Voir le témoignage 6, Jorge Leitão, exilé en France (1971) puis au Danemark (lecture, p. 73) et le témoignage 9, Anna Benavente (lecture, p. 95). Par quoi les solidarités passent-elles ? Groupes et associations, par exemple l’Office dauphinois des travailleurs immigrés, à Grenoble, mentionné par Manuel Branco (p. 109, témoignage 10, quitte le Portugal en 1966). Les journaux, par exemple O Alarme !

Affiche d’un film sur la Guinée-Bissau éditée par le Comité des déserteurs portugais au Danemark, vers 1972

Les chemins d’histoire de Victor Pereira.

Des informations supplémentaires

Une série de conférences ont été proposées autour de l’histoire du Portugal, à l’occasion des Rendez-vous de l’histoire de Blois ; les diaporamas et les conducteurs peuvent être consultés ici.

Voir aussi la note proposée par Arthur Porto sur un blog abrité par mediapart.fr.

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