Cent-vingt-cinquième numéro de Chemins d’histoire, cinquième numéro de la quatrième saison
Émission diffusée le dimanche 25 septembre 2022
L’invité : André Burguière, directeur d’études honoraire à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, auteur de Les Affinités sélectives. Un parcours historiographique, éd. de l’EHESS, 2022.
Le thème : Un parcours historiographique
Le canevas de l’émission
L’ouvrage publié aux éditions de l’EHESS, qui reprend des articles antérieurs tout en les remaniant ou en les actualisant, n’est pas une autobiographie (p. 7). Il en a pourtant certains traits. André Burguière et l’histoire, André Burguière et l’école des Annales (l’école des Annales, mentionnée dans la khâgne du lycée Henri-IV, avec maître André Alba ; Robert Mandrou, 1921-1984 ; découverte de l’école des Annales en tant que telle, avec François Furet, 1927-1997, côtoyé au PSU, à la fin des années 1950). Furet et ses amis, convertis au message de Lucien Febvre (1878-1956) et de Marc Bloch (1886-1944) par l’enseignement d’Ernest Labrousse (1895-1988). Surmoi statistique de ces jeunes historiens des années 1950-1960. André Burguière s’engage dans l’histoire de la famille, très intéressé par la démographie historique. Publie des comptes rendus et un premier article dans les Annales en 1967 (« Société et culture à Reims à la fin du XVIIIe siècle : la diffusion des ‘Lumières’ analysée à travers les cahiers de doléances »). Devient secrétaire de rédaction de la revue des Annales, à la demande de Jacques Le Goff et d’Emmanuel Le Roy Ladurie, entre 1969 et 1976, après Marc Ferro et Robert Mandrou (évincé en 1962). Membre de l’équipe chargée de la revue jusqu’au début des années 2020. Compagnon et historien des Annales. Participe à La Nouvelle Histoire, un collectif sous la direction de Jacques Le Goff, de Roger Chartier, de Jacques Revel (1978), dirige le Dictionnaire des sciences historiques (1986), dirige les actes du colloque Marc Bloch aujourd’hui (1990), avec Hartmut Atsma, publie, en 2006, L’Ecole des Annales : une histoire intellectuelle, Odile Jacob.
Œuvre de vulgarisation. Productions radiophoniques et télévisuelles, dans les années 1970 (« Au carrefour des sciences de l’homme », sur France Culture, nouvelle série lancée en novembre 1969, avec Olivier Burgelin, sociologue ; « Les Chemins de l’histoire », produit avec Jean-Marc Leuwen pour la deuxième chaîne de télévision). Les comptes rendus (Le Monde, Le Nouvel observateur plus tard), un moyen de faire rayonner l’école des Annales ? Un épisode particulier autour de la figure de Jean-Paul Sartre (1905-1980), lequel succède (indirectement) au lycée Condorcet (en khâgne) à Henri Dreyfus-Le Foyer (1896-1969), admis à « faire valoir ses droits à la retraite » en raison de sa confession juive. L’épisode est révélé, dans un éditorial (semaine du 16 au 22 octobre 1997) du Nouvel Obs, signé par Jean Daniel, lequel est informé par André Burguière (voir à ce sujet, sous la direction d’Ingrid Galster, Sartre et les juifs, un ouvrage paru en 2005, aux éditions de La Découverte).
Virgule
Figures. Paul Lacombe (1834-1919, chartiste et archiviste, auteur de La Famille dans la société romaine, 1889, De l’histoire considérée comme science, ouvrage paru en 1894, travail salué par Febvre puis par Braudel, critiqué vertement par Gérard Noiriel, livre de 1894 vu comme un « tissu de banalités », en 2002 dans la Revue d’histoire du XIXe siècle). Les Annales avant les Annales, polémique avec le Roumain Alexandre Xenopol (psychologie des peuples). Lacombe « a préparé discrètement mais efficacement le travail de réinvention des fondateurs des Annales » (p. 44). En quoi ?
Lucien Febvre et Marc Bloch. L’originalité du mouvement porté par ces deux figures tient plus à leur manière d’affirmer leur programme qu’au programme lui-même (p. 50). Voir par exemple la tonalité des comptes rendus publiés dans les Annales à partir de 1929. Antidogmatisme et marginalité, savamment cultivés, alors que les héritages de la revue et de l’école sont très divers. Une nouvelle relation passé-présent. Des visions différentes, notamment sur la question de l’histoire des mentalités (cheminements très différents de Lucien Febvre et de Marc Bloch, le second allant vers des phénomènes mentaux les plus articulés à la vie sociale et matérielle, le premier élargissant sa réflexion à tous les niveaux de l’univers mental).
Norbert Elias (1897-1990). André Burguière a organisé deux colloques (à Göttingen et à Paris) autour des travaux du sociologue après avoir découvert La Civilisation des mœurs, dont une partie est traduite en 1973 (œuvre publiée initialement en 1939, comptes rendus de la part d’Emmanuel Le Roy Ladurie et de François Furet). La traduction du livre d’Elias est arrivée en France au moment où les historiens abandonnaient l’idée d’une entrée de la modernité par le développement socio-économique sans renoncer pour autant au concept de modernisation. L’intérêt de l’hypothèse d’Elias est qu’elle concilie le deuxième modèle de l’historiographie du changement (la modernisation par l’État) et le troisième (l’automodernisation des mentalités) par la relation qu’elle établit entre « la sociogenèse de l’État » et « la psychogenèse de l’individu ». Cette relation présentait pour les historiens un double avantage : celui de réintroduire le politique, longtemps sous-estimé par les historiens des Annales, et celui de réhabiliter l’individu et une certaine psychologie de la personne en les articulant au mouvement de l’Histoire.
Chantiers. De l’importance des chantiers collectifs. Le chantier interdisciplinaire des années 1960 (les enquêtes socio-culturelles) Plozévet (pays Bigouden, Finistère). Explications et analyse. La synthèse d’André Burguière, Bretons de Plozévet, 1975. Un échec ? L’histoire de la famille. Les juifs, le monde juif, le dernier livre publié chez Arkhé, Permis de séjour.
Les chemins d’André Burguière. Un livre en projet autour des souvenirs de guerre d’André Burguière.
