Emission 116 : Les mondes musulmans médiévaux, avec Sylvie Denoix et Hélène Renel

Cent-seizième numéro de Chemins d’histoire, trente-cinquième numéro de la troisième saison

Émission diffusée le dimanche 5 juin 2022

Les invitées : Sylvie Denoix, directrice de recherche au CNRS, et Hélène Renel, ingénieure d’études au CNRS, codirectrices de l’Atlas des mondes musulmans médiévaux, CNRS éditions, 2022.

Le thème : Les mondes musulmans médiévaux

Le canevas de l’émission

Le projet et sa genèse. Un projet de longue haleine. Quand est-il né et dans quel cadre ? Le rôle de l’équipe « Islam médiéval » du laboratoire Orient et Méditerranée du CNRS. Un travail collectif : 61 auteurs, dont 33 femmes. Une équipe internationale. Une équipe de spécialistes de différents champs de l’islam médiéval. A la mesure des renouvellements de l’historiographie. Une « histoire globale et connectée » des mondes musulmans médiévaux, est-il affirmé dans la préface cosignée avec Françoise Micheau.

« Donner à voir, au travers de près de deux cents cartes et plans, une histoire globale des mondes musulmans du VIIe au XVe siècle, telle que les historiens la pensent et l’écrivent aujourd’hui ». Un tel outil est-il inédit ? Les mots pour le dire. Des mondes musulmans ? Le pluriel. Le sens du mot « musulman » (sens religieux et politique ; renvoie aux territoires où les musulmans ont détenu le pouvoir politique). Le terme renvoie à l’idée de souveraineté dont les formes ont été variées (califat, sultanat). N’aurait-il pas fallu dire « Atlas des mondes islamiques » ? Quel espace couvert ? Un espace qui se dilate, un espace toujours compris à différentes échelles. Un espace éclaté mais avec des facteurs d’unification (langue, en particulier, la langue arabe se diffuse). Un atlas. Cartes produites par Hélène Renel, avec les auteurs et autrices. Une carte est faite de choix. Le mode de projection, la palette des couleurs et des figurés, la sémiologie graphique (voir aussi p. 370-371). Offrir des cartes « immédiatement lisibles ». Un souci didactique (pictogrammes faciles à interpréter, nomenclature française ou translittération simplifiée, voir aussi le glossaire).

Virgule

Quelques points saillants (1). Commencer par l’imago mundi qui était celle des acteurs du temps. Le premier temps de l’ouvrage s’appelle : « Représentations de soi et des autres ». Pourquoi ? On joue encore sur les échelles ici. L’atlas s’ouvre sur une carte reconstituée par Razia Jafri d’après des coordonnées proposées dans un ouvrage d’Al-Khwārizmi, à la demande du calife al-Ma’mūn (r. 813-833). Spectaculaire carte p. 17, retravaillée par Hélène Renel. Un modèle cartographique pour Al-Idrīsī (qui travaille en Sicile à la réalisation d’une mappemonde, entre 1154 et 1158). Voir la p. 27. Les cartes se décentrent parfois (voir les mondes de l’Islam selon Ibn Battūta, dont les voyages jusqu’en Chine sont représentés p. 35).

Représentation de la mer Adriatique par Al-Idrīsī, d’après le ms. arabe 2221, fol. 267v-268 de la Bibliothèque nationale de France

Quelques points saillants (2). La deuxième partie (« La dynamique des mondes musulmans ») « rend compte de l’histoire des pays d’Islam du VIIe au XVIe siècle ». Vaste sujet ! Une partie dirigée par Sylvie Denoix, avec Vanessa Van Renterghem. Une histoire très complexe faite d’expansions, de menaces extérieures et de divisions internes (parfois en même temps : voir la conquête de la Sicile en même temps qu’autonomisation puis éclatement de l’Empire abbasside). Situation vers 600, avant l’Islam (carte, p. 49). Muhammad et la première fitna, à l’origine du schisme entre sunnisme, chiisme et kharijisme. Les Omeyyades et la culture d’Empire (carte de la p. 63, conçue avec Cécile Bresc). Renversés par les Abbassides en 750, avec une nouvelle capitale (de Damas à Bagdad), qui héritent de cet Etat organisé (carte, p. 65). Mais autonomisation dès le IXe siècle puis éclatement au siècle suivant : califat chiite fatimide (909-1171, avec fondation de la capitale Le Caire), califat sunnite des Omeyyades de Cordoue. Le califat abbasside lui-même passe sous la tutelle de chefs militaires iraniens et chiites, les Buyides (945) puis sous la domination des Seldjukides, turcs et sunnites (1055, voir carte p. 85). Les menaces extérieures sont graves (chrétiens, Reconquista et conquête de la Sicile par les Normands, aux XIe-XIIe s., les croisades, les Mongols qui mettent fin au califat abbasside en 1250). Recompositions au Proche-Orient. La dynastie des Ayyubides, avec comme fondateur Saladin (1171), puis la naissance du sultanat des Mamluks (1250). Dynasties locales établies par les Mongols (Ilkhanides en Iran, belle carte conçue avec Marie Favereau, p. 97). Des souverains qui ne sont plus systématiquement arabes depuis le Xe siècle (deux dynasties berbères dans l’Occident musulman, Almohades puis Almoravides ; les Ayyubides sont Kurdes, les Mamluks sont originaires de Crimée ; les Mongols viennent de Mongolie). A la fin de la période d’étude, expansion ottomane (les Ottomans mettent fin à l’Empire byzantin). Face à eux, les Safavides (chiites, qui prennent le pouvoir dans l’Orient iranien, à partir de 1501). Les enjeux géopolitiques sont bien pointés dans la cinquième partie, avec à la fois expansion, fragmentations territoriales et nouveaux enjeux frontaliers (superbes cartes conçues avec Eva Collet, p. 306-307).

Quelques points saillants (3). Visages des mondes musulmans. Parcours urbains : l’exemple de l’évolution urbaine de Fustat-Le Caire (p. 118-119). Fondation et établissement du califat d’Egypte à Fustat au VIIe siècle (« la tente »). De Fustat au Caire, le rôle de Saladin. Voir aussi, p. 154-155 (les ouvrages défensifs au Caire). Dynamiques économiques : voir l’exemple des marchés de Fustat-Le Caire (cartes des p. 232 et 233, Hélène Renel, Sylvie Denoix et Mathieu Eychenne). A différentes échelles (les routes économiques, voir par exemple la belle carte des routes transsahariennes, p. 271). Géographie religieuse : exemple de belles pages consacrées aux voies soufies des mondes musulmans (cartes, p. 193 et s.), cartes conçues avec Maxime Durocher.

%d blogueurs aiment cette page :