Cent-douzième numéro de Chemins d’histoire, trente-et-unième numéro de la troisième saison
Émission diffusée le dimanche 1er mai 2022
L’invité : Hadrien Collet, membre de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire, auteur de Le Sultanat du Mali. Histoire régressive d’un empire médiéval, XXIe-XIVe siècle, CNRS éditions, 2022.
Le thème : Une histoire régressive du sultanat du Mali, XXIe-XIVe siècle
Le canevas de l’émission
De quoi le sultanat du Mali est-il le nom ? C’est un peu la question du livre. Mais on peut présenter par commodité l’objet de ce livre d’emblée. Le sultanat du Mali fait partie des villes-marchés, royaumes, etc., qui ont coexisté ou se sont succédé sur la bande de terre qu’on appelle le Sahel, entre VIIIe et XVe siècle. Quelle extension du sultanat du Mali à son apogée, au XIVe siècle ? Quelques repères spatiaux (la question de la capitale, toujours très débattue). Quelques repères chronologiques. La formation politique la mieux documentée… mais de plus ou moins loin. Absence de sources endogènes d’époque. Des sources exogènes émanant d’historiens ou de voyageurs. Une approche historiographique. Proposer une archéologie du savoir qui regroupe des « travaux » de nature très différente. Quelles sources et quelles limites ont-elles été fixées par l’auteur ? Quel bagage linguistique nécessaire ?
Un cheminement régressif. Une démarche qui a fait ses preuves. Voir les travaux de Paulo Fernando de Moraes Farias sur les chroniques dites de Tombouctou. Les mots pour le dire… Sultanat ou empire ? Un Moyen Age ouest-africain ?
Virgule
Premier pôle de production d’un discours historique sur le Mali médiéval : le pôle contemporain. Passer au crible la manière dont l’histoire du sultanat du Mali a été écrite du XIXe siècle à nos jours, principalement en Europe et en Afrique. Une histoire qui fut d’abord un monopole des géographes et des orientalistes occidentaux du XIXe siècle puis de la science coloniale. Retour en particulier sur le moment de l’Entre-deux-guerres, avec une recherche obsessionnelle de la capitale du sultanat du Mali. Les Empires du Mali, par Charles Monteil (1929, puis 1930). A partir des années 1950, les historiens et les intellectuels ouest-africains prennent voix au chapitre. Voir en particulier, dans des genres différents, les travaux de Mamby Sidibé, de Djibril Tamsir Niante et de Cheikh Anta Diop. Comment l’histoire du Mali médiéval est-elle mobilisée par la République du Mali après 1960 ? La construction d’un roman national. De la seconde moitié du XXe siècle à aujourd’hui. Une histoire sortie de la confidentialité. Figures désormais patrimonialisées et mondialisées de Mansa Musa (mansa de l’empire du Mali à partir de 1312) et de Sunjata Keita (mort en 1255, présenté comme le fondateur de l’empire du Mali). Conclusion de la première partie : une histoire qui a (peut-être plus qu’ailleurs) propension à se faire mythe (p. 144, avec citations de Gaston Bachelard et de Roland Barthes).
Deuxième centre de production du discours historique sur le Mali : l’Afrique post-médiévale. Le temps des manuscrits, en Afrique de l’Ouest. Quel rapport avec le passé médiéval ? Quelle place le Mali occupe-t-il dans la production discursive sur le Takrur (un référentiel géographique qui se construit progressivement), principalement dans les chroniques de Tombouctou ? Un discours double sur le Mali, l’un mélioratif sur le sultanat, l’autre péjoratif sur le royaume tardif. Le sultanat du Mali apparaît comme un point d’origine, donnant une profondeur historique à l’islamité du Bilad al-Takrur, érigé pendant les siècles postmédiévaux en pôle ouest-africain du Dar al-Islam (p. 238). Le règne de Mansa Musa se distingue comme le point d’horizon d’une histoire politique où le modèle du souverain musulman idéal fait son entrée. Evolution au début du XIXe siècle : l’invention d’une nouvelle tradition politique commençant avec Askia Muhammad (1443-1538).
Dernier pôle : celui de l’Islam médiéval, et tout particulièrement l’historiographie mamelouke. Comment les premiers écrits sur le sultanat du Mali sont-ils constitués à l’époque où ce dernier existe encore ? Le séjour égyptien de Mansa Musa (pèlerinage en 1324) vu par les sources mameloukes. Historiographie bahrite et historiographie circassienne. Apothéose du livre, si on ose dire : les Masalik d’al-Umari (mort en 1349), une relecture fondée notamment sur une traduction inédite de l’introduction de cet ouvrage et sur une analyse du chapitre 10. Le Voyage au Soudan d’Ibn Battuta (1304-1368), entre observation empirique et géographie merveilleuse.
Epilogue.
Lecture
Voir le numéro 501 de la revue L’Histoire, novembre 2022, avec notamment un article signé Hadrien Collet.
