Cent-neuvième numéro de Chemins d’histoire, vingt-huitième numéro de la troisième saison
Émission diffusée le dimanche 10 avril 2022
L’invité : Gerbert-Sylvestre Bouyssou, maître de conférences en histoire ancienne à l’université de Polynésie française, coauteur de La Grèce classique, d’Hérodote à Aristote, 510-336 avant notre ère, Belin, 2022.
Le thème : Regards sur la Grèce au Ve siècle avant notre ère
Le canevas de l’émission
Présentation générale. La série « Mondes anciens » et le volume La Grèce classique. Volume qui prend la suite de l’ouvrage consacré à la Naissance de la Grèce (dir. Brigitte Le Guen, Julien Zurbach et Maria Cecilia D’Ercole), d’une ampleur chronologique bien plus vaste, 3200 à 510 avant notre ère. Quel est le sens des bornes chronologiques choisies ? Pourquoi Hérodote ? Pourquoi Aristote ? Qu’est-ce que la « Grèce classique » ? Le classicisme et le « miracle grec », des mythes contemporains ? A quelle construction historiographique cela correspond-il ? Faut-il opposer Ve et IVe siècles ? un beau Ve siècle opposé à un siècle de crise(s) ? L’opposition n’est pas fondée. Cependant, en termes de sources, le IVe siècle permet de « sortir de l’athénocentrisme, largement de mise pour le ‘siècle de Périclès’ » (p. 17). Explications. L’invité a rédigé trois chapitres consacrés au Ve siècle avant notre ère. Le partage du travail avec les collègues. Les choix iconographiques et les cartes (signées Aurélie Boissière).
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Les guerres du Ve siècle (1). Retour sur les guerres médiques. Quelles sources pour reconstituer l’histoire de ces guerres (textes et… iconographie, voir par exemple l’amphore attique à figures rouges de NYC ou la frise des archers du musée du Louvre de 510 av. JC) ? Histoire et mémoire, de la difficulté du travail de l’historien. Quelles sont les causes des guerres médiques. Une vengeance perse à la suite de la révolte de l’Ionie ? Un impérialisme religieux (voir les travaux de Bruce Lincoln, ouvrage de 2007, avec une audacieuse comparaison avec le messianisme démocratique de George Bush, les nuances apportées par Wouter Henkelman). L’expédition de 490. Marathon, quelles forces en présence, quelle bataille, quels acteurs (Miltiade, un héros rapidement déchu, Thémistocle, l’un des dix stratèges lors de la bataille de Marathon, vainqueur de Salamine, avant de mourir en exil dans l’empire perse vers 460 av. notre ère), quelle mémoire (« la bataille de la Marne de l’Antiquité », selon le général Arthur Boucher après la Première Guerre Mondiale) ? Le mythe du coureur de Marathon (sa fabrication d’Hérodote à Lucien de Samosate, et sa diffusion). L’alliance hellénique et la seconde guerre médique. La bataille des Thermopyles et la mort du roi de Sparte Léonidas (comment interpréter cette mort et le récit qui en a été fait ?). Quelle mémoire pour les Thermopyles ? Un mythe qui se prête à toutes les réécritures et à toutes les idéologies (voir p. 478-481). Les victoires panhélléniques (Salamine, et la maîtrise du combat naval, la mémoire de Salamine, et Platées) en 480 et en 479.
Les guerres du Ve siècle (2). La guerre du Péloponnèse. Thucydide, notre grande source (« n’a rien d’un historien au sens actuel du mot », p. 236, pourquoi ?) et Xénophon (pour la fin de la guerre). D’autres sources (voir par exemple le larnax, coffre funéraire en argent, conservé au musée archéologique d’Amphipolis, coffre mis en relation avec le commandant spartiate Brasidas, mort en 422, voir p. 263). L’affrontement entre Sparte et Athènes vu sous l’angle de la « brutalisation » (George Mosse) par Patrice Brun. Quel renouvellement historiographique ces dernières années ? Les travaux de Bernard Eck (sur la violence, voir La Mort Rouge, un livre paru en 2005) ou ceux de Philippe Lafargue (Cléon, Athénien mort en 422, voir un ouvrage publié en 2013). Un conflit sous le signe de la mélancolie (voir la stèle, conservée au musée archéologique national d’Athènes, de Démocleides, où l’on voit ce dernier assis à la proue d’une trière, peut-être un épibate, sans doute tué lors d’une bataille à la fin de la guerre du Péloponnèse ou au début du IVe siècle, stèle considérée comme l’une des représentations connues de la mélancolie par Erwin Panofsky, p. 244). Quel rôle et quelle stratégie pour Périclès (mort en 429, deux ans après le début de la guerre) ? Les années 420 et la paix de Nicias (421). Le désastre de l’expédition de Sicile (voir les latomies de Syracuse, carrières où les Athéniens sont enfermés après la défaite de 413, p. 268, certains survécurent en récitant des vers d’Euripide) et la fin de la guerre. La fin (provisoire) de la démocratie, le procès de Socrate.
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Le modèle démocratique athénien. La réflexion sur l’articulation entre démocratie antique et démocraties contemporaines (voir l’atelier de l’historien, p. 482 et s.). Passage politique obligé (discours de Lincoln, en 1863, de Barack Obama, le 16 novembre 2016, à Athènes, d’Emmanuel Macron, le 8 septembre 2017, depuis la colline de la Pnyx, « c’est ici que fut inventée la forme moderne de l’Etat, ici que cette cité d’Athènes construisit patiemment, par la souveraineté du peuple, la souveraineté de son destin »). Depuis le XVIIIe siècle (Chénier, Constant, Tocqueville) jusqu’à aujourd’hui (Finley, Fukuyama, Graeber). La réflexion sur le tirage au sort. A Athènes, les bouleutes tirés au sort. Les Klerotèria, les instruments ou machines de tirage à sort (études pionnières de Sterling Dow prolongées par celles de Liliane Lopez-Rabatel, voir notamment cet article paru en 2019). Comment cela fonctionne-t-il ?
Qu’est-ce que la démocratie athénienne ? Des institutions, des principes. Isonomie, iségorie. Clisthène, un père fondateur de la démocratie à Athènes ? Pourquoi ? Quel est le sens des réformes de Clisthène ? De la pertinence de l’opposition Athènes-Sparte ? Démocratie et impérialisme. Ailleurs en Grèce.
