Emission 103 : Le siècle et l’expérience de Marie Du Bois, avec Christian Jouhaud

Cent-troisième numéro de Chemins d’histoire, vingt-deuxième numéro de la troisième saison

Émission diffusée le dimanche 20 février 2022

L’invité : Christian Jouhaud, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, directeur de recherche émérite au CNRS, auteur de Le Siècle de Marie Du Bois. Ecrire l’expérience au XVIIe siècle, Seuil, 2022.

Le thème : Le siècle et l’expérience de Marie Du Bois (1601-1679), valet de chambre de Louis XIV et gentilhomme du Vendômois

Le canevas de l’émission

Au cœur du travail : le manuscrit de Marie Du Bois (Dubois) et un long compagnonnage avec ce texte et son auteur. De quoi s’agit-il ? Manuscrit conservé aux Archives départementales d’Indre-et-Loire. Premier « livre » perdu, second concerne les années 1647-1676. Marie Du Bois, né en 1601, mort en 1679, officier de la chambre du roi, petit notable du Vendômois, catholique dévot, au prénom atypique. Lecture 1 (p.  10, à la date du 19 septembre 1648) et analyse. 

Quel texte ? La catégorie générale d’écrits du for privé n’est pas pertinente. Une « espèce de journal » (François Lebrun, auteur de Moi, Marie Du Bois, gentilhomme vendômois, valet de chambre de Louis XIV, publié en 1994). Un texte qui décrit l’expérience vécue par un homme du XVIIe siècle. Il s’agit pour Christian Jouhaud de suivre la transformation « de cette Erlebnis en Erfahrung dans une écriture ». Suivre un je qui se raconte en action sans jamais se décrire dans l’épanchement d’une introspection. Un écrit qui se prête au repérage de propos, de gestes, de pratiques sociales donnés à voir dans leurs décors de tableaux vivants (p. 14). « Les mots écrits produisent ainsi des ‘configurations de détails’ [expression de Siegfied Kracauer] qui sont autant d’espaces de signification à l’échelle desquels le texte devient un témoignage historique ». Une analyse qui joue sur les échelles. Marie Du Bois : un valet de chambre, un officier commensal de la Maison du roi. Sert à la cour, vit aussi en Vendômois, à Montoire puis à Couture-sur-Loir, propriétaire terrien, marié, père de famille, notable, dévot. Saisir une « personnalité sociale » (plus qu’une identité sociale) à travers une expérience vécue, transformée en expérience à transmettre. Se confronter à des actes d’écriture, à un travail d’écriture « qui jamais ne se lasse de raconter ». S’inscrire dans une chaîne de transmission. L’écriture de Marie Du Bois est une écriture de la transmission (s’adresse à ses descendants ; en 1663, offre au roi Louis XIV un extrait du premier volume de son manuscrit avec le récit de la mort de Louis XIII, voir p. 43, lecture 2, p. 43, un mémoire pour l’histoire). Un texte conservé dans la famille après 1679, analysé dans un article de Léon Aubineau (1847), édité pour Louis de Grandmaison dans les années 1930 (éd. de 1936). Léon Aubineau et Louis de Grandmaison sont deux catholiques conservateurs. François Lebrun et Christian Jouhaud (« François Lebrun, 1923-2013, m’a transmis Marie Du Bois », p. 39). 

Comment analyser le « livre » ? Comment analyser ce flux d’écriture ? D’autant que Marie Du Bois cite, copie, insère des documents qui justifient ses actes ou ses droits. Identifier des segments narratifs et s’arrêter sur des « tertres textuels », ces « inévitables reliefs » dotés d’une « puissance régulatrice » (p. 95), qui donnent sens au récit. De quoi s’agit-il ? Exemple de l’année 1647 (analyse). Entendre des voix. 

Virgule 

Les territoires de Marie Du Bois. Officier de la maison du roi. 43 mois à la cour en 30 ans de journal (valet de chambre, pour 12 trimestres, gentilhomme servant pour 1 trimestre, voyages à la cour pour 2 trimestres). Selon quels rythmes ? Avec quelles ruptures ? La codification et les devoirs de la charge. Que font les valets de chambre ? Quelles actions ? Dans le Vendômois. A Montoire (paroisse Saint-Oustrille, jusqu’en 1649), à Couture, après la mort de sa mère. Voir le cahier iconographique, avec la maison du Poirier, l’église de Saint-Oustrille, la « chapelle royale » au flanc de l’église de Couture, érigée par la volonté de Marie Du Bois. Agir « ici » : tenir son rang ; au-delà du rang, le zèle. L’écriture de Marie Du Bois « enregistre et restitue le choc de confrontations, parfois bénignes, parfois douloureuses, voire dangereuses ». De quoi s’agit-il ? Voir la p.  175. Le territoire de la spiritualité, l’ailleurs de l’espérance. La mort de la mère, Jeanne Tafforeau (au début de l’année 1649, voir p.  136-137 et 204-205). Pendant son agonie, Marie Du Bois a pour préoccupation de « la clouer de toutes [ses] forces à Dieu ». Il utilise, pour cela , un étrange récit de la mort de saint Joseph qu’il restitue dans son texte (lecture de la fin de ce morceau, p.  205). Origines et fonctions de ce passage. 

La résonance politique du texte de Marie Du Bois. Un exemple : les Frondes de Marie Du Bois (15 mois à la cour entre 1648 et le début 1653). Dans le Vendômois. Comprend-il les événements ? Quelle perception en a-t-il ? L’articulation ordre / désordre. 

Interrogation finale sur l’écriture même de Christian Jouhaud (voir p. 304, « Ma démarche de restitution ne fait-elle pas, à sa manière, violence à ce précipité instable [le texte de Marie Du Bois] en procédant par montage à de séquences emboitées, et donc en délaissant des lignes, des mots, des chemins annexes qui ne pouvaient être suivis sans rompre le fil de l’analyse ? »). Voir aussi la p.  351. 

L’église Saint-Oustrille, à Montoire-sur-le-Loir, carte postale
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