Emission 102 : Aux racines du livre, avec Filippo Ronconi

Cent-deuxième numéro de Chemins d’histoire, vingt-et-unième numéro de la troisième saison

Émission diffusée le dimanche 13 février 2022

L’invité : Filippo Ronconi, maître de conférences à l’École des hautes études en sciences sociales, auteur de Aux racines du livre. Métamorphoses d’un objet de l’Antiquité au Moyen Age, éd. de l’École des hautes études en sciences sociales, 2022.

Le thème : Aux racines du livre

Le canevas de l’émission

L’objet de l’ouvrage : le livre manuscrit, « lieu stratifié de savoir, qui permet la rencontre, grâce à l’acte d’écriture accompli par le copiste, entre la matérialité du support fabriqué par des artisans spécialisés et la dimension immatérielle du texte conçu par un auteur » (p. 11). L’histoire du livre prémoderne. Envisager l’histoire du livre manuscrit occidental, sur la longue durée, comme un processus unitaire avec des discontinuités. Embrasser à la fois le contexte et le lieu de production, les contenus, les formats (tablettes, rouleaux, codices, définitions de ces termes), de multiples acteurs. Livre, livre manuscrit, manuscrit, écrit, document. Qu’est-ce qui fait qu’un écrit est un livre ? Livres et documents (interagissent, p. 14). Pourquoi ? Comment ? 

Aux racines du livres ? L’apparition du livre (titre d’un ouvrage célèbre de Lucien Febvre et d’Henri-Jean Martin) ? Une analyse d’un processus qui permet de relativiser certains événements (la production, commandée par Constantin le Grand, au IVe siècle, de 50 codices contenant la Bible, et la réalisation, au VIe siècle, du Code Justinien). 

Quel corpus documentaire ? Quelle méthodologie ? Analyse autoptique de quelques centaines de manuscrits antiques et médiévaux conservés dans des archives ou des bibliothèques ; lecture de sources littéraires, documentaires, scientifiques sur l’histoire du livre en Méditerranée et en Europe, entre Antiquité et Moyen Age. Quelles compétences ? Approche transversale fondée sur les sciences du livre, papyrologie, biblio/codicologie, paléographie, philologie matérielle ! 

Une approche chronologique et par aires culturelles. Trois chapitres (les trois derniers) consacrés aux catégories d’agents qui ont joué le rôle principal dans la « chaîne de production » du manuscrit. Des thèmes transversaux : la transformation du rôle de l’auteur (une question si contemporaine qui se posait déjà à l’époque hellénistique), la dématérialisation du texte (lecture sonore, lecture silencieuse). 

Virgule 

Quelques aspects majeurs de l’ouvrage (1). Quels supports d’écriture dans le monde grec et dans le monde romain ? Tablettes de bois et rouleaux de papyrus, une ressource importée en Grèce à partir du VIe siècle. Le rouleau de papyrus (bande résultant de la jonction par collage de feuilles de papyrus, enroulée sur elle-même ou autour d’une baguette en bois ou en os (p. 48, schéma et explications p. 49 et s.). A Rome, les supports en lin et en bois se trouvent concurrencés (mais ne disparaissent pas) par les rouleaux de papyrus à partir du début du IIIe s. avant Jésus-Christ (vendus à prix cassés après l’absorption de l’Égypte au Ier siècle avant Jésus-Christ). Présence de manuscrits dans l’espace social athénien plutôt rare jusqu’à la fin du Ve siècle avant Jésus-Christ. Changements au cours du IVe siècle avant Jésus-Christ. Le livre change de statut, devenant un outil de lutte politique, de mémoire individuelle et collective, ainsi qu’un objet d’étude et de recherche (p. 28). C’est de cette époque que datent les plus anciens fragments de manuscrits grecs. De quoi s’agit-il ? Au IIIe siècle avant Jésus-Christ. Les bibliothèques hellénistiques. La bibliothèque du Mouseîon, à Alexandrie (fascinante, mais jamais un lieu de consultation pour un large public). 

Quelques aspects majeurs de l’ouvrage (2). L’avènement du codex. À Rome, au Ier siècle puis dans les différentes de l’empire, assez vite (finalement, le rouleau n’est qu’une parenthèse, p. 81, les tablettes de cire, en usage jusqu’au IIIe s. avant Jésus-Christ, présentent des parentés avec les cahiers et les feuillets des codices). Contenance, meilleure maniabilité, coût. Première mention chez Martial ? Avant ? Codex, un livre en parchemin (codices en papyrus, une adaptation locale). Quelles structures ? La standardisation du codex. Quels contenus ? Voir p. 103. Quel rôle les communautés chrétiennes ont-elles joué ? Effets sur la transmission des textes. La transformation de la « fonction auteur ». Explications. Les annotations marginales (deux mains étaient nécessaires à la lecture du rouleau, ni les marges, ni les espaces séparant les colonnes ne se prêtent aux notes) rendues possibles par l’avènement du codex. Quel rythme de diffusion ? Pour quel triomphe ? Réduction et rétrécissement après Justinien. Quelles renaissances à partir des VIIIe-IXe siècles ? Renaissance carolingienne, bibliothèques et scriptoria

Quelques aspects majeurs de l’ouvrage (3). Les acteurs de la chaîne de production du livre manuscrit. Des acteurs mineurs invisibilisés. Artisans spécialisés qui travaillent le bois, le cyperus paperus, le lin, les peaux. Comment retrouver ces savoir-faire ? Comment sortir de l’ombre ces acteurs ? Les copistes, ou l’histoire d’une ascension sociale (accomplie à l’époque byzantine moyenne, lorsque les évangélistes sont représentés transcrivant les Évangiles dans les enluminures). Typologie de copistes (p. 227, les professionnels, les pieux, les passionnés). La place des femmes. Quelles compétences et quels savoir-faire ? Quel travail et avec quels outils ? Techniques, innovations et compréhension des dynamiques sociales et culturelles du passé. Perspectives de la recherche.

Reliure du codex contenant les traités de Philon, Bibliothèque nationale de France, ms. supplément grec 1120
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