Emission 101 : La Préhistoire et nous, avec Boris Valentin

Cent-unième numéro de Chemins d’histoire, vingtième numéro de la troisième saison

Émission diffusée le dimanche 6 février 2022

L’invité : Boris Valentin, professeur d’archéologie préhistorique à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne.

Le thème : La Préhistoire et nous

Le canevas de l’émission

Le parcours de Boris Valentin. Comment s’intéresse-t-on à la Préhistoire ? Quel parcours y mène-t-il ? La thèse, Les groupes humains et leurs traditions au tardiglaciaire dans le Bassin parisien : apports de la technologie lithique comparée, thèse soutenue en 1995, à Paris-I, sous la direction d’Yvette Taborin (1929-2020, a suivi les cours d’André Leroi-Gourhan, responsable des fouilles d’Etiolles de 1972 à 2000, s’intéresse notamment à l’étude archéologique des coquillages). Quelle ambition de la thèse ? Quels enjeux ? Des travaux sur les modes de vie préhistorique des dernières sociétés de chasseurs-cueilleurs en Europe occidentale (XIVe-VIe millénaire av. JC), en particulier dans le Bassin parisien. 

Boris Valentin, un archéologue. L’archéologie. Etiolles (Essonne, site magdalénien, vers 13 000 av. notre ère), Pincevent (Seine-et-Marne, campement magdalénien d’environ 12000 AA), Fontainebleau (Seine-et-Marne, abris ornés préhistoriques dans les chaos de grès, royaume de l’art rupestre, gravures géométriques qui remonteraient à 11 500-7000 avant notre ère). Et intérêt pour l’archéologie contemporaine, notamment pour les fouilles à Sobibor, centre de mise à mort situé en Pologne (où 250  000 juifs ont été assassinés entre mai 1942 et l’été 1943). 

Boris Valentin, un préhistorien (la Préhistoire et son préfixe si paradoxal, « cocasse » disait Lucien Febvre). Préhistoire et préhistoire, une démarche, un champ de recherches, une discipline et une période. La préhistoire s’est construite comme discipline au XIXe siècle. Travaux de Jacques Boucher de Perthes (1788-1868), d’Edouard Lartet (1801-1871), de Paul Tournal (1805-1872). Volonté de bâtir une chronologie interne (identifier des étapes dans l’évolution des faunes, des techniques). John Lubbock (Britannique, 1834-1913, 1865, paléolithique et néolithique, nouveaux outils, objets polis). La « révolution néolithique », transition d’un monde de chasseurs-cueilleurs vers des communautés d’agriculteurs, transition datée d’environ 10 000 ans av. JC au PMO, expression popularisée dans les années 1920 par l’archéologue Vere Gordon Childe. Expression de « révolution néolithique » et distinctions chronologiques ne sont pas forcément opératoires. Pourquoi ? Invention des objets polis remonte à 50 000 ans chez des chasseurs-cueilleurs, en Australie, au VIIIe millénaire avant notre ère, chez des chasseurs-cueilleurs scandinaves. Idée d’un passage d’un monde de chasseurs-cueilleurs à un monde d’agro-pasteurs ne fonctionne pas partout (fonctionne surtout au Proche et au Moyen-Orient, en Europe, en Chine). En Afrique et en Amérique, coexistence des deux. La culture Jomon, au Japon, avec des chasseurs-collecteurs qui se sédentarisent mais ne font pas le choix de devenir une société de production par l’agriculture (13000 à 400 av. notre ère). Expression de « révolution néolithique » fige les choses. Parler de néolithisation. Pertinence d’utiliser la phase intermédiaire de mésolithique (Jacques de Morgan, 1909) ? A quoi correspond cette catégorie ? Faut-il préférer celle de Paléolithique ultime ? La périodisation choisie, les termes utilisés restent finalement très tributaires des régions étudiées. En Europe (néolithisation, phénomène allochtone), moment fondamental quand disparaissent l’art animalier et celui des grottes (connu depuis Chauvet vers 35000 av. JC) vers 1200 av. notre ère. Comment expliquer cette disparition ? Des causes multiples sans doute. 

Préhistoire, paléohistoire, histoire. Quel vocabulaire utiliser ? Si l’histoire commence non pas avec l’invention de l’écriture, quand commence-t-elle ? Il y a 7 millions d’années ? Il y a 3 millions d’années ? Avec la maîtrise du feu ? Il y a 300 000 ans ? Il y a 100  000 ans (premières sépultures) ? Histoire des formes humaines, des hommes, des humanités (autres que Sapiens) ? Garder le terme de préhistoire pour les animaux ? La démarche qui est celle de Boris Valentin, une démarche historique ? Où est l’archive ? Faire le deuil de l’événement (entretien avec le journaliste Pierre Barthélémy, en décembre 2020, pour le compte du quotidien Le Monde) ? 

La discipline aujourd’hui dans le monde et en France. Les enfants et les petits-enfants d’André Leroi-Gourhan à l’œuvre. Une école française ? L’intérêt pour la « technologie » et les techniques de fabrication. De l’importance des spécialistes du Paléolithique en France.

Virgule 

La recherche et l’université face à un nouveau mythe contemporain, les sociétés de chasseurs-cueilleurs du Paléolithique vus comme un havre d’abondance, de paix et d’égalité entre les sexes ! Voir les travaux de Marshall Sahlins (1930-2021), anthropologue étatsunien, auteur d’Age de pierre, âge d’abondance : l’économie des sociétés primitives (trad. fr., 1976, d’un ouvrage initialement paru en 1972). Idée que le Néolithique aurait apporté la guerre et la domination masculine (voir par exemple le film documentaire mais aussi le livre et la vidéo Lady Sapiens, 2020, par Thomas Cirotteau, avec Eric Pincas et Jennifer Kerner, conseillère scientifique du film : Sophie Archambault de Beaune). 

La recherche et l’université face aux grandes fresques (Yuval Noah Harari, né en 1976). Regard plutôt bienveillant, semble-t-il, de Boris Valentin. Sapiens. Une brève histoire de l’humanité, publié en hébreu (2011) traduit dans près de 30 langues (anglais, 2014, français, 2015), et son succès extraordinaire.

La recherche et l’université face aux programmes scolaires (premier et second degré). CM1, Sixième et Terminale. CM1 : on insiste sur les traces spécifiques de la préhistoire et de l’histoire dans l’environnement proche des élèves. Sixième (on insiste sur les migrations humaines, sur les oscillations climatiques qui ont profondément transformé l’environnement, nouveauté de 2020, sur la pluralité des situations selon les périodes et les espaces géographiques observés). Terminale, histoire, géographie, géopolitique, sciences politiques : on propose, dans une thématique sur l’environnement, une étude croisée de deux ruptures, la révolution néolithique et la révolution industrielle.